Nouvelle tentative [Valerian]

Il avait plu toute la matinée. Cette après-midi encore, le sol était humide et les sentiers parsemés de flaques d'eau qui remplissait les nids de poule. Ces derniers jours s'étaient montrés assez pluvieux et cela se voyait sur la végétation du domaine qui ne cessait d'être de plus en plus verdoyante au fil du temps. Ozvan ne savait pas quoi faire. Il n'avait toujours pas approché son cheval depuis son arrivée à Almara. Un autre résident lui avait bien montré duquel il s'agissait, mais le rouquin avait refusé de l'approcher. Il n'avait même pas eut le cran de passer la barrière étant donné que l'équidé résidait au pré. La taille de l'animal avait de quoi impressionner en même temps. Et il n'en fallait pas beaucoup pour intimider l'adolescent. Alors que ce dernier arpentait les couloirs, il lâcha un soupire. C'était peine perdue, il ne parviendra jamais à approcher cette créature. Peut-être n'était-il pas fait pour cet endroit finalement ? Sans doute allait-il rester un misérable lâche pour toujours...Depuis son arrivée, il n'avait qu'une envie : qu'on vienne le récupérer. Qu'on l'emmène loin d'ici et qu'il puisse à nouveau se terrer dans sa zone de confort qui lui manquait tant. Depuis qu'il était arrivé ici, il était tout sauf à l'aise. Pourtant, les autres résidents étaient plutôt sympas. Aucun d'entre eux encore ne s'en était prit à lui. C'était presque miraculeux.

L'allemand quitta finalement la bâtisse, se retrouvant à l'extérieur où les nuages lui firent grâce d'une éclaircie forte agréable. Dehors, il n'y avait pas un chat, mais le rouquin resta planté là, parce que c'était là qu'il devait retrouvé quelqu'un, qu'on lui avait dit d'attendre. Et le jeune homme à vrai dire, ne savait pas trop à quoi s'attendre, se demandant même s'il n'avait pas fait quelque chose de mal qui lui aurait valu le tête à tête qui s'apprêtait à avoir lieu. Mal à l'aise, il se dandinait d'une jambe à l'autre en guettant les alentours, cherchant la moindre silhouette qui pourrait appartenir à celui qui devait le rejoindre ici même. Puis, finalement, un homme ne tarda pas à débarquer, d'une cadence assurée, dans une tenue des plus élégante et que Ozvan reconnut sur le champ pour avoir eut droit à des présentations à son arrivée au domaine. Il déglutit. Le directeur venait le voir en personne...? En quoi cela était bon signe ? L'homme, rien que par son rôle au sein du domaine, intimidait déjà fortement l'adolescent qui baissa les yeux à son approche.

- Bb-bb-bon-bonjj-jour mm-monsieur Hayes...fit-il une fois la personne en face de lui.

Avec un peu de chance, ce n'était pas lui qui devait le retrouver ici. Si ça se trouve, le directeur ne faisait que passer dans le coin. Enfin, ça serait étonnant vu qu'il était venu directement à lui et Ozvan n'était pas du genre à être optimiste. C'était bien pour sa pomme que le psychiatre se présentait.

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Nouvelle Tentative

Ce n'est pas le but qui compte : c'est le chemin.

Les prairies du domaine, Mai 2019

Parce qu’il ne pouvait décemment pas laisser traîner cette histoire plus longtemps, Valerian avait fait le choix de s’occuper lui-même du problème. L’identité du résident en question n’était pas pour améliorer son humeur : s’il y avait bien, à Almara, un résident qui n’avait pas besoin d’être oublié, c’était bien Ozvan Wagner. Timide et réservé, le garçon ne semblait pas être du genre à venir se plaindre et c’était d’autant plus vrai qu’Almara était encore nouveau pour lui … non, Valerian avait beau retourner le problème dans tous les sens, c’était une catastrophe tant humaine que pédagogique.

Fort heureusement, la météo avait décidé de jouer en sa faveur, offrant à la Normandie à journée sans trop de nuage et plutôt douce. C’était là une aubaine, puisque la pluie n’aurait pas manqué de compliquer son projet – qui de censé aurait aimé rester dehors sous une pluie torrentielle ? – A son arrivée au point de rendez-vous, Valerian eut l’agréable surprise de trouver le garçon à son poste, prêt pour ce qui l’attendait ou presque. Wagner savait-il pourquoi il se trouvait là ? Le directeur n’en savait rien – il avait délégué cette partie-là aussi – mais sans doute ne tarderait-il pas à le savoir. A son approche, Valerian perçut la nervosité du jeune homme monter d’un cran, malgré cela Ozvan prit tout de même la peine de le saluer, et l’effort n’échappa pas au psychiatre.

— Bonjour monsieur Wagner le salua à son tour Valerian. Je suis navré de briser si tôt votre quotidien, mais j’ai entendu dire que vous n’aviez pas encore eu l’occasion de rencontrer officiellement Angus, le cheval qui vous a été attribué. Il s’agit d’une erreur, et je suis là pour y remédier déclara le directeur. Si cela vous tente, bien évidemment ajouta-t-il.

En vérité, même si cela ne le tentait pas, Valerian avait bien l’intention de lui faire rencontrer le cheval. La chose avait déjà bien assez traînée et le directeur avait spécifiquement crée pour le garçon un créneau dans son emploi du temps. Déjà, Hayes esquissa un pas en direction des prairies, et plus spécifiquement celle qui accueillait Angus, le doux géant.

— Je n’ai pas eu l’occasion de vous croiser depuis votre arrivée fit remarquer le directeur. Est-ce que votre adaptation ici se passe bien ? lui demanda-t-il.

Parler ne manquerait pas de briser la glace, sans doute. Valerian n’était pas sans savoir que ce n’était là pas la tasse de thé du garçon, qui souffrait de bégaiement, mais avoir du mal à s’exprimer ne signifiait pas que le garçon n’avait rien à dire.

Ozvan n'avait pas vraiment eut conscience qu'il avait fait l'objet d'un oubli. Mais s'il avait pu s'en apercevoir, il aurait bien pris la chose car ça avait été pour lui l'occasion de manquer à cette épreuve qu'était la découverte de son cheval. Bon, il l'avait un peu vu de loin, certes, mais beaucoup plus tard et...de loin. Camille n'avait pas insisté plus que ça quand au sujet de s'approcher de l'animal et visiter les écuries à la place avait été un meilleur programme aux yeux de l'allemand. Ou du moins, un programme un petit peu mieux. Ponctuel malgré tout, l'adolescent était bien présent sous l'air frais qui s'était levé, avec cette odeur de forêt humide qui embaumait l'atmosphère. Ce n'était pas désagréable. Mais profiter de l'instant présent fut de courte durée quand il vit l'homme le rejoindre. A ce moment là, l'allemand n'était pas mécontent de sa nature ponctuelle en toute circonstance. Il serait arrivé avec un carton sur la tête s'il avait osé se présenter en retard face au directeur des lieux ! Ce dernier ne tarda pas à lui expliquer la raison de sa présence ici. La raison de leur présence à tous les deux. Ozvan sentit son sang se glacer dans ses veines.

- M-mm-mais...mais...Mais ss-si ! Jj-je l-l'ai dd-déjj-j...déjà rencon-conttr-trer...!

Enfin, si on pouvait appeler ça une rencontre...Ce n'était pas là un mensonge de sa part, enfin, il ne voyait pas ça comme ça en tout cas. Il baissa les yeux, se faisant tout petit, avant d'ajouter d'une petite voix :

- Jj-je l'ai dd-déjà v-vu...au pp-pré...

Ozvan suivit ensuite des yeux l'homme qui avait commencé à se déplacer, ignorant s'il devait le suivre ou non, ou s'il serait une fois de plus épargné.

- Hmm...moui...répondit-il à l'homme.

Ca pourrait être mieux. Ceci dit, ça aurait pu être bien pire aussi. Mais Camille, Finnan...jusque là, il n'avait pas eut à se plaindre des autres jeunes des lieux et c'était le point le plus important. Est-ce que ça allait durer, c'était encore une question qu'il se posait. Indécis, il se décida malgré tout à emboîter le pas du psychiatre, ne serait-ce que par politesse, histoire que l'homme ne se mette pas à converser avec lui sur une distance de plusieurs mètres les séparant !

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— Vous me perdez, monsieur Wagner. Vous avez déjà rencontré Angus ? demanda-t-il, loin de chercher à dissimuler sa perplexité. Avec qui et en quelles circonstances ? questionna le directeur.

Valerian détestait lorsque les versions différaient … les surprises, très peu pour lui : Hayes aimait la clarté et plus encore lorsqu’il s’agissait des choses qui se passaient sous son toit. Parce qu’il se perçut sans doute trop inquisiteur et, au demeurant, peut-être un peu agressif, le directeur tenta de se reprendre, chercha à s’adoucir. Effrayer Wagner était bien la dernière chose qu’il souhaitait faire.

— Pardonnez-moi si je vous parais un peu abrupte, ce n’est pas contre vous assura Valerian. J’ai un penchant pour les choses claires avoua-t-il. Il fit une courte pause, avant de continuer. Cela n’a pas d’importance, j’avais prévu de vous y emmener de toute manière, autant se tenir au programme déclara-t-il finalement.

Oui, Valerian Hayes s’était dégagé du temps pour lui, autant en profiter. Si Wagner avait bel et bien déjà rencontré son cheval, cela lui permettrait de voir le garçon en interaction avec lui … et si ses informations s’étaient bel et bien révélées véritables, le directeur aurait alors tout l’occasion de faire rentrer le garçon dans les cordes. D’un geste de main, le directeur invita Ovzan à poursuivre sa route. L’allemand s’était montré un peu avare en explications lorsque le directeur lui avait demandé comment se passait son adaptation ici – quelle idée aussi de poser une question fermée ! – et loin d’abandonner, le directeur persévéra.

— Vous avez rencontré d’autres résidents depuis que vous êtes ici ? questionna Valerian, tandis qu’ils cheminaient vers les pâtures. Sa réponse attendait des noms bien sûr.

A ses pieds, Valerian pouvait sentir l’humidité du sol que la pluie n’avait pas manqué d’arroser. Si le silence ne dérangeait pas le psychiatre – bien au contraire – il avait cette volonté constante de s’assurer du bien être tout à fait relatif de ses résidents. Valerian n’était pas idiot : vivre ici pouvait être déroutant pour ceux qui, comme beaucoup de jeunes, avaient grandis en ville. Qui mieux que lui pouvait le savoir ? La campagne avait son lot de défauts, parmi eux l’isolement, appât chéri par la mélancolie. Hayes le savait : si le directeur le méconnaissait encore, Ozvan n’était pas vraiment du genre à aller vers les autres et Valerian ignorait encore si c’était là son tempérament, ou bien le résultat de nombreuses années de traumatisme.

Ozvan se figea lorsque l'homme fit volte-face. Est-ce que ce dernier pensait que l'adolescent cherchait à lui mentir ? Tout dépendait finalement de la définition que prenait la rencontre avec les chevaux. Pour l'allemand, le fait qu'il ait déjà vu le cheval avant qu'on le lui présente officiellement était comme s'il avait fait la rencontre de l'animal. Juste...de loin. Il ne savait pas trop si ça comptait ou pas en fin de compte. Il espérait que oui. Disons qu'il savait au moins déjà qui était son cheval attitré.

- Euh...J-ja...? répondit-il, dégoulinant d'incertitude et d'angoisse sous le regard du directeur, d-dd-di-disons qu-que jj-je l'ai d-dd-déjà v-vu...C'est un ga-garç-çon qu-qui s'app-ppelle Ca-Camille qu-qui me l'a mmm-montt-tré d-dans le p-pr-pr...pré...

Ozvan eut subitement un doute. Et s'il risquait de causer des ennuis de nature encore inconnue au blond en révélant ainsi son identité ? Peut-être que les résidents n'avaient pas le droit de se mêler des affaires des uns des autres qui sait ? Enfin, il n'avait cependant rien vu de tel dans le règlement du domaine et dieu sait qu'il connaissait ce règlement par coeur ! Lorsque le psychiatre s'excusa, le jeune rouquin voulut répondre quelque chose, sans trop savoir quoi en fin de compte. Alors il se contenta de baisser le regard en hochant timidement la tête. Malheureusement pour lui, le directeur ne semblait pas vouloir prendre en compte ce que lui avait dit l'adolescent, puisqu'il désirait tout de même faire ce qu'il avait prévu. Ce n'était pas l'envie qui manquait au rouquin de riposter, d'insister sur le fait que ce n'était sans doute pas nécessaire, mais il n'osa absolument pas, résigné d'avance sous la hiérarchie de l'homme.

- Ja...D-déjà Ca-Camille, répondit doucement le garçon sur les talons du directeur, e-et F-F-Fffinnan.

Oui, deux, ce n'était sans doute pas énorme au vu du nombre de pensionnaires présents. D'un autre côté, le jeune homme veillait toujours à se tenir à l'écart des autres où que ce soit. Pour Finnan, ça n'avait été que le résultat d'un petit incident, et pour Camille...Et bien le blond était venu de lui-même faire connaissance et apporter son aide. Si Ozvan ne s'approchait pas des autres, il ne les repoussait pas pour autant.

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— Monsieur Pelletier a été aimable de s’en charger répondit finalement le directeur. Mais sans doute n’avait-il pas les informations que je vais vous donner ajouta-t-il, sans cependant en dire davantage.

Comment l’aurait-il pu ? A moins d’avoir fait sa propre enquête à ce sujet, le jeune homme aux cheveux blancs ne pouvait connaître l’histoire du doux géant, ni la raison de sa présence à Almara. Tandis qu’ils cheminaient vers les prairies, Ozvan énuméra au directeur la courte liste des rencontres qu’il avait faites au domaine. Camille et Finan, étrangement Wagner semblait jouir d’une félicité dont il n’avait surement pas conscience : sa route ne semblait pas avoir encore croisée celle de Tessa Taylor, le Kraken d’Almara … une chance, pour le craintif résident qu’il était.

— Ces rencontres sont encourageantes assura Valerian. Nous n’aurons pas l’occasion de nous rencontrer souvent, mais si un jour vous avez le moindre problème, Monsieur Wagner, la porte de mon bureau est toujours ouverte affirma le psychologue.

Valerian ne pouvait pas prédire l’avenir, mais il pouvait aisément supposer que, puisqu’Ozvan ne faisait pas partie des résidents dont il était le référent, le nombre de leur rencontre s’annonçait restreint, sans compter que faire de vagues ne semblait pas être dans la nature du garçon. Hayes et Wagner ne risquaient donc pas de se retrouver en tête à tête avant un bon moment et cela au moins, Valerian pouvait se l’imaginer.

Lorsqu’ils arrivèrent finalement aux abords du champ dans lequel vivait Angus, Soldat le noriker fut le premier à lever la tête dans leur direction. Plus que pour les autres, sa robe blanche tachetée de points trahissait sa présence au cœur du verdoyant paysage normand. A côté de lui, Dunia paraissait maigrelette malgré son ventre rebondissant. Loin de vouloir laisser sa potentielle part, Angus ne mit pas bien longtemps à arriver, et dans son ombre trottinaient les ouessants, les petits moutons noirs du domaine … là où il y avait de l’action, les ovidés n’étaient jamais bien loin.

Curieux, les chevaux observèrent les deux humains s’approcher, rejoignant la clôture, cherchant du regard ce que les visiteurs avaient pu leur apporter. Lors de sa première entrevue avec le cheval, Wagner était-il entré dans la pâture pour s’approcher du cheval, ou s’était-il contenter de l’observer de loin ? Le psychiatre ne tarderait pas à le savoir.

— Que pensez-vous d’Angus ? Est-ce qu’il vous plait ? demanda le directeur.

Valerian n’avait que trop peu l’occasion de connaître le ressentit des résidents vis-à-vis des chevaux qui leur était attribué, et plus encore pour ceux qu’il n’avait pas en séance. Si le directeur ne manquait pas de s’en inquiéter auprès de ses confrères et consœurs, rien ne valait le témoignage direct des concernés.

Devant les sourcils froncés du directeur, Ozvan se ratatina sur lui-même. Il s'était bien douté qu'il avait dit une bêtise ! Que le sol se dérobe sous ses semelles et qu'il puisse disparaître sur le champ dans les entrailles de la terre ! Aux mots de l'homme cependant, Ozvan devait bien admettre qu'il n'avait pas tort sur un point : Camille avait été bien gentil de vouloir lui apporter son aide. Il avait tout fait pour aider l'Allemand à se mettre à l'aise avec les chevaux et Ozvan avait, comme d'habitude, tout fait raté. Il n'avait fait que décevoir le blond tout le long et il n'en était vraiment pas fier. Etre aussi nul avec quelqu'un d'aussi gentil, pour une fois qu'il en rencontrait un...Pour Finan, il n'avait été guère mieux. Le bousculer, lui faire du mal sans le vouloir, une rencontre que le rouquin jugeait tout autant lamentable que celle de Camille. Il s'en minait de l'intérieur rien que d'y penser.

Le directeur lui fit part qu'il pouvait toujours le voir en cas de soucis et l'Allemand opina doucement du chef. Même s'il y avait peu de chance qu'il prenne une telle initiative en cas de pépin. Ce n'était clairement pas son genre. Non, en cas de problème, il irait simplement se planquer quelque part dans l'espoir de se faire oublier et souffrir en silence dans son coin. Il était déjà assez pathétique comme ça, pas besoin d'en faire profiter tout le monde. Il savait qu'il était nul, un bon à rien. Il n'allait pas déranger sans cesse le grand patron des lieux pour des choses évidentes. Il y avait bien plus important à gérer que de s'occuper du cancrelat qu'il était.

Les deux protagonistes arrivèrent enfin sur place et Ozvan ne tarda pas à reconnaître les lieux, et surtout les animaux qui se trouvaient dans le pré. Ce que ces chevaux étaient énormes...Il avait l'impression qu'ils étaient même plus grands que la dernière fois qu'il les avait vu. A moins que s'était juste parce qu'ils étaient plus près ? Le jeune homme ne s'approcha pas autant de la clôture que le psychiatre et lui répondit timidement, de peur de froisser ce dernier qui avait l'air fier de sa bête :

- Euh...I-il est vr-vr...vraim-ment gr-g...grand...

Oui, c'était clairement la seule impression qu'il avait de l'animal -et de bien d'autres chevaux du domaine d'ailleurs- Il ne répondait pas entièrement à la question de l'homme de ce fait mais d'un autre côté, il était clair que cet animal ne lui plaisait pas. Ceci dit, il ne le détestait pas pour autant, parce que Ozvan ne détestait jamais rien ni personne à part lui-même.

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— C’est vrai concéda le directeur, en réponse aux paroles du garçon. Mais avec un ami comme lui à vos côtés, personne n’osera jamais vous embêter. Les gens respecteront celui qui sait se faire obéir d’un géant pareil assura Valerian. De mémoire, il me semble bien que c’est le plus grand cheval du domaine … et le plus gentil aussi, mais les autres ne sont pas obligés de le savoir.

Valerian lui jeta un regard entendu. Oui, Angus n’était pas n’importe quel cheval à Almara et impressionnait beaucoup de résidents … il fallait du cran pour s’en approcher, et un certain courage pour lui faire confiance. N’était-il pas capable de renverser n’importe qui d’un seul coup de tête ? Pourtant, Angus était doué d’une douceur extrême, que seul ceux qui le côtoyait pouvaient découvrir.

— Venez, approchez-vous l’invita le directeur.

Loin d’être aveugle, Hayes avait perçu la réserve du garçon quant à l’idée de s’approcher. Il était resté en retrait lorsque le directeur s’était avancé vers la clôture et ce détail ne lui avait pas échappé. De toute évidence, Ozvan Wagner n’avait jamais posé ses doigts sur le pelage sombre d’Angus, et c’était un problème que Valerian comptait bien régler aujourd’hui.

Alors que Ozvan observait avec inquiétude l'imposant cheval dans le pré, son regard vira rapidement que le psychiatre en écoutant ses paroles, assez surprit de les entendre. Etait-il clairement en train de dire qu'il avait donné ce cheval à Ozvan comme une protection face aux autres ? A la manière d'un chien de garde qui en imposait tellement que tout le monde craindrait de s'en approcher ? Ozvan doutait que c'était le genre de la maison, mais c'était en tout cas les premières pensées qui lui étaient venues. Les suivantes étant...Qu'il ne se voyait pas du tout se faire obéir de qui que ce soit, moins encore d'une créature si forte, qui serait capable de lui broyer les os d'un coup de sabot. Et puis, se faire obéir...Ozvan n'en avait absolument pas l'étoffe. Le jour où Ozvan exigera quelque chose de quelqu'un, se sera sûrement dans un univers parallèle, lui-même séparé par au moins un ou deux autres univers parallèles !

Ozvan devait bien avouer qu'il ne savait pas quoi penser de cette idée. Il ne se voyait pas se servir de la crainte des autres pour avoir la paix. Ce serait devenir comme eux au final : rouler les mécaniques pour se faire respecter. A la différence près qu'un cheval ferait l'intermédiaire. Ceci dit, ça restait effectivement tentant. Pas le genre de l'adolescent, peu convaincu à l'idée d'user de cette méthode, mais qui rêvait bel et bien de paix en son for intérieur. Néanmoins, même si ça venait à se révéler efficace, ce n'était bon que pour les résidents du domaine. Mais une fois dehors, quel Angus viendra faire office de dissuasion face à l'adversité du monde ? Angus aurait-il été capable d'empêcher ces jeunes de jeter Ozvan dans la rivière gelée ? Angus aurait-il pris sa défense quand des meutes d'adolescents avaient choisi l'Allemand comme pinata du jour ? Quel Angus aurait pu empêcher le rouquin de tomber dans la traitrise de ses semblables ?

A la demande du directeur, Ozvan hésita un instant. Il avait déjà approché cette clôture, et Camille ne lui avait pas jouer de vilains tours. Il ne devrait normalement rien se passer de fâcheux en compagnie de cet homme, n'est-ce pas ? Ozvan accordait d'avantage sa confiance aux adultes qu'aux jeunes de son âge pour des raisons évidentes. L'adulte, par définition, ne devrait pas se rabaisser à le malmener. Enfin, normalement. Jusqu'à présent en tout cas, aucun adulte ne l'avait frappé, humilié ou jeter à l'eau. Bon, ses parents n'étaient pas un exemple parfait non plus. Ces derniers avaient déstabiliser son mental pour ne rien arranger de la situation. Le rouquin n'avait jamais su comment s'y prendre avec eux. Fallait-il aimer la mère ou le père ? Comment prendre ces accusations que chacun lui avait lancé ? Pourquoi sa propre famille se retournait-elle contre lui ? Heureusement qu'il y avait eu sa tante pour le sortir de ce pétrin. Finalement, elle était la seule personne en qui il avait réellement confiance. Mais elle n'était pas là...

- Et-Et si-si...Sssi jjj-je ne ss-sais pp-pas me ff-f...faire ob-b...b...Obéir...? demanda le jeune homme après avoir fait quelques pas mesurer vers le psychiatre.

Il était vrai que le rouquin n'avait rien vécu de dramatique avec les chevaux -il manquerait plus que ça- mais il ne les connaissait pas et s'en méfiait autant que toute sorte de choses inconnues. Mais c'était surtout la taille de l'animal qui avait de quoi impressionner, face à l'adolescent qui se sentait aussi fragile que les ailes d'un papillon. Toutefois, le jeune homme devait bien reconnaître que, en tant qu'animal, aussi grand soit-il, le cheval était un individu sans nul doute moins vicieux que l'être humain. Un cheval ne se moquera jamais de lui, ne cherchera jamais à le rabaisser, à le torturer juste pour le plaisir. A être méchant simplement parce qu'il en avait le pouvoir. Ca, Ozvan voulait bien l'accorder à tous les animaux du globe. Néanmoins, un animal pouvait être imprévisible, faire du mal aussi bien qu'inconsciemment, ou alors être naturellement agressif. Il n'y avait pas, selon Ozvan, de quoi avoir confiance pour autant.

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