Mauvaise surprise [Camille]

Mauvaise Surprise

Camille

Enfin il avait une minute à lui. Jérémie avait fait son boulot du moment, passant les chevaux en revue, les écuries en revues, bref...Beaucoup de choses en revue. Le foin avait été donné, les soins également, le matériel nettoyé, les box vérifiés, les stocks refaits...Le domaine était plutôt calme et il n'y avait rien à signaler. La prochaine étape serait de voir comment ça se passait du côté des prairies mais pour l'heure, le jeune homme songeait à aller souffler deux minutes. Il s'éloigna du manoir et des autres bâtiments, passant le mur qui cernait les lieux, il se retrouva face à la verdure luxuriante des lieux. Il n'y avait pas un bruit à part le chant des oiseaux qui célébraient cette journée ensoleillée.

D'un pas tranquille, le jeune homme avançait sereinement sur le vieux chemin de terre qui serpentait entre les arbres. Ce ne fut qu'une fois assez éloigné des lieux qu'il se permit de s'allumer la cigarette dont il rêvait depuis ce matin. Les contraintes du domaine étaient vraiment déplaisantes mais le jeune homme ne pouvait que comprendre pourquoi il était défendu de faire jaillir ne serait-ce qu'une braise à proximité de pailles et de foin. Une catastrophe serait si vite arrivée ! Pourtant, ce n'était pas l'envie de travailler avec une clope au bec qui lui manquait. Scrutant les arbres autour de lui, Jérémie se remémorait l'époque où sa principale préoccupation était de fuir le domaine. Combien de fois avait-il essayer plus jeune d'escalader la grille principale de l'entrée ! Il n'avait choisi Almara que parce qu'il pensait qu'il serait plus facile de s'enfuir d'ici que de prison.

Une main dans une poche, l'autre amenant son mégot jusqu'à ses lèvres, le jeune homme trouvait ça ironique tout de même qu'il était désormais libre d'aller où bon lui semblait dans la plus totale des libertés sans qu'on ait besoin de lui courir après comme s'il n'était qu'un petit furet traqué. C'est fou comme les choses pouvaient changé en une décennie. En tout cas, le couvert des arbres était agréable, avec ces stries lumineuses du soleil qui parvenaient à passer certaines zones feuillues. Ca sentait bon l'humus et le fait de n'entendre que ses pas sur le sentier de terre lui donnait l'impression d'être seul au monde. Sensation qui ne tarda pas à s'éclipser car Jérémie eut l'impression que d'autres pas se rapprochaient petit à petit.

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Précédemment

Dans son palmarès des mauvaises rencontres, Tessa allait sans aucun doute finir tout en haut. Camille n'aurait jamais cru qu'un une seule petite journée, il se passe tant de chose négative à Almara. Mais la pire de toute était bien sûr que Vagabone avait couru et qu'elle c'était peut-être refait mal. Et ça Camille ne se le pardonnait pas. Autant il se foutait royalement de toutes ses égratignures, ses ecchymoses et autres blessures, autant il avait envie de s'en foutre une lui-même pour n'avoir pas réussi à tenir sa jument.

Tessa avait raison, il était un abruti. Et plus ses pas le rapprochaient de la civilisation, plus son angoisse montait. Chacune des paroles qu'elle lui avait dites remontait au fur et à mesure que ses pas le portaient sur le chemin qui le ramenait à l'écurie. Et il n'y avait pas que ses paroles qui lui revenaient en mémoire, maintenant que le stress d'avoir perdue Vagabone commençait à descendre, chaque coup qu'elle lui avait donnée se rappelait à lui. Il avait mal … Vraiment mal …

Camille sentait à nouveau sa gorge se serrer. Mais cette fois il était hors de question qu'il pleure, sauf que … Il n'avait pas envie de pleurer, là tout de suite, il avait juste l'impression d'étouffer … Mais ça, il connaissait, c'était le stress … Il fallait qu'il arrête de réfléchir tant que sa jument ne serait pas en sécurité dans son box … Il fallait qu'il respire, et qu'il se calme … Il savait gérer ce genre de problème d'habitude. Mais là …

« Attends Vagabone, arrête-toi. J'ai besoin d'une pause. »

Il tira sur la longe et arrêta la jument quelques secondes, le temps d'essayer de se calmer. Il se força à respirer profondément. Ces côtes lui tiraient énormément, mais elles ne devaient pas être cassées, parce qu'il paraissait qu'on arrivait pas du tout à respirer, non ? Il reprit finalement la marche, le dos un peu voûté. Ses deux mains, accrochées à la longe comme si sa vie en dépendait. Mais, son calme apparent vola en éclats quand il remarqua qu'il y avait quelqu'un sur le chemin en face de lui. Et ce quelqu'un, dont il reconnut la silhouette, c'était Jérémie.

Cette fois Camille commença à paniquer pour de bon, il allait être en colère … C'était sûr … Il lui faisait confiance pour prendre soin de Vagabone et voilà ce qui était arrivé. Et s'il demandait au directeur de lui retirer la jument … Non, non, non, non et non pas ça … Pas maintenant …

Il essaya de forcer un peu son pas pour rattraper l'homme en face de lui, car malgré la peur qu'il avait de sa possible colère, il voulait que ce dernier le rassure sur l'état de sa jument. Ses mains tremblaient sur la longe, et il avait clairement envie de vomir. Mais ce n'était pas le moment …

Il finit par interpeller Jérémie, la voix un peu tremblante, les yeux humides.

« Jé … Jérémie excuse-moi … Je … Vagabone m'a échappée et elle à galopé. J'ai peur … pour sa patte, tu pourrais regarder. Et ... elle saigne là ... sur le poitrail ... »

Camille s'arrêta à quelques mètres de lui et lui désigna la légère estafilade que la jument avait sur le poitrail. Cette dernière n'avait pas l'air de souffrir de quoi que ce soit, contrairement à Camille. On avait l'impression qu'il était passée sous les roues d'une voiture. Il avait des traces de sang sous son nez, ce dernier était d'ailleurs légèrement de travers et gonflé, une ecchymose commençait d'ailleurs à s'étendre sous ses yeux. Il ne se tenait toujours pas droit. Il avait clairement trop mal pour se redresser. Ses habits étaient couverts de poussière, il était décoiffé et il tremblait toujours comme une feuille.

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Camille

Jérémie resta interdit devant ce qu'il voyait. Après avoir aperçut cette silhouette plus loin, il la reconnut en un éclair. Il s'agissait de Camille, qui n'avait pas grand chose à faire dans un endroit pareil. Et surtout de Vagabone, qui avait encore moins à faire si loin de son box. Le jeune palefrenier resta figé un moment, le regard braqué sur les deux nouveaux venus, n'en croyant pas ses yeux. Il s'empressa d'éteindre sa cigarette sur le premier tronc d'arbre à sa portée avant de rejoindre à grands pas l'adolescent qui venait en sa direction, sa jument en main. D'ailleurs, il ne lui laissa même pas le temps de parler le premier qu'il lança d'une voix qui laissait clairement comprendre qu'il cherchait à se retenir d'élever le ton, probablement à cause de la jument.

- Qu'est-ce que tu fous ici avec elle ?!

Le jeune homme était tellement aveuglé par la colère qui l'animait en ce moment même qu'il ne s'interrogeait pas plus que ça sur l'état du garçon face à lui, avant tout concentré sur le sort de l'animal. Alors l'adolescent tenta de s'expliquer maladroitement. Des explications qui furent loin de calmer la situation. On aurait presque put croire que le palefrenier était à deux doigts de se jeter à la gorge du malheureux résident. Au lieu de ça, il lui arracha la longe des main.

- Qu'est-ce que tu as foutu ?! lâcha t-il par la même occasion.

Dire qu'il avait toujours pensé que Camille était de loin le résident le plus assidu du domaine. Encore une belle chute libre pour ses croyances. N'avait-on pas idée de confier ces pauvres chevaux à des gosses même pas capable de prendre soin d'eux-même ? Le garçon d'écurie se mit à parcourir le corps de l'équidé comme s'il avait affaire à un vase précieux qui s'était fait une fissure. Il observa la plaie de cette dernière, le coeur serré, ainsi que sa patte lésée. Puis, sans un mot, il prit la direction du domaine avec elle et devait se faire violence pour ne pas se hâter au risque d'empirer les choses. Alors qu'il marchait, de temps en temps, il jetait un oeil en arrière pour s'assurer que la femelle ne boitait pas gravement.

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Il s'y était préparé, mais la colère de Jérémie était au-delà de ce qu'il avait imaginé. Il savait que tout était de sa faute, il s'accablait déjà assez sans que l'on ai besoin d'en remettre une couche. Il ne se pardonnait pas d'avoir lâché cette longe. S'il l'avait tenue peut-être quelques secondes de plus, Vagabone n'aurait peut-être pas suivi Vanilla.

Camille ne put retenir un hoquet de douleur quand Jérémie lui arracha la longe des mains. Ces dernières rendues hyper-sensible à cause des brûlures n'avaient pas apprécié de se faire à nouveau malmenées. Mais heureusement dans un élan de préservation, le blond n'avait pas lutté quand la longe était partie. Il resta un peu interdit quand Jérémie lui lança sa dernière réplique et qu'il prit le chemin de l'écurie avec la jument.

« Elle s'est emballée quand elle a vu l'autre cheval galoper ... Je suis désolé j'aurais dû mieux tenir la longe. »

Camille les suivait en gardant une bonne distance avec le palefrenier. Il aurait aimé arriver à le convaincre, mais il avait merdé et rien ne pourrait effacer son erreur. Il n'avait aucune idée de comment arranger les choses avec lui, du moins, ce dernier était trop en colère pour le moment. Quant à Vagabone, il allait redoubler d'efforts pour la soigner. Et il ne la sortirait plus, ça il se le promit intérieurement.

Enfin, ça c'était si on lui laissait encore le droit d’approcher Vagabone après ça et si on ne lui attribuait pas un autre cheval à cause de son incompétence.

Il sentit vaguement la nausée le submerger à nouveau. Au fond de lui une petite voix se réveilla et commença à se faire entendre … Une petite voix qui lui disait que s'il mangeait maintenant tout irait mieux … Qu'il oublierait toute cette journée et toutes ses mésaventures. Il fallait juste qu'il MANGE.

Camille secoua la tête pour chasser ses mauvaises pensées et essaya de rattraper Jérémie. Plutôt se faire crier dessus que de penser à ça maintenant. Il désirait presque que le palefrenier soit encore plus brusque avec lui, juste pour ne pas penser à ça maintenant. Il fallait qu'il s'occupe et qu'il ne réfléchisse pas.

« Je peux faire quelque chose pour t'aider ? Je ferais n'importe quoi … Dis-moi ... »

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Camille

Jérémie n'avait pas pour habitude de se préoccuper des humains. Pour lui, seuls les animaux comptaient et surtout les chevaux vu le lien qu'il avait su avoir avec eux. Un lien qu'il n'avait jamais su avoir avec les humains en tout cas. C'était déjà assez difficile de voir ces animaux être confié à des irresponsables. Le jeune homme ne faisait qu'attendre chaque jour le moment où quelque chose arrivera à ces pauvres bêtes parce qu'on aura pas su s'occuper d'eux correctement. Le directeur s'en moquait bien, il le savait. Ce type ne pensait qu'aux résidents. Ah, eh bien lui ne pensait qu'aux chevaux. Ca fait un équilibre.

- T'es désolé, ça me fait une belle jambe tiens ! répliqua sèchement le palefrenier en continuant son chemin.

Il n'était pas payé pour être sympa avec les pensionnaires humains de ce domaine. Ca se saurait. Non, il avait sa place ici pour s'occuper des chevaux, veiller à ce qui ne leur arrive rien. Et voilà le résultat ! Il regrettait amèrement d'avoir permis à l'adolescent de sortir un peu Vagabone de son box pour se dégourdir les jambes. Dans un sens, il avait sa part de responsabilité dans cette histoire lui aussi. Et merde, comment allait-il l'annoncer à Alessendro ? Autant il se fichait pas mal de l'avis de Valérian, autant il craignait de décevoir le chef d'écurie qui prenait l'état des chevaux très à coeur. Pourvu que Vagabone n'ait rien. Le garçon d'écurie bouillonnait intérieurement. Il savait pourtant qu'il devait tâcher de rester calme pour que la jument ne s'accapare pas son émotion du moment. Aussi, il caressa doucement le museau de l'animal en espérant que cela suffirait. Vagabone suivait docilement néanmoins.

***

Août 2009,

Frustré, l'adolescent avait refusé de regagner sa chambre. A force de faire des conneries, forcément, il ne devrait pas s'étonner qu'on lui en veuille. Mais cette idée d'être traité sans cesse comme un gamin l'irritait. Il n'était plus un gamin et n'avait besoin de personne pour vivre. Ni de ces psys, ni de ces gens, ni des chevaux même, de personne ! Ses tentatives de fuite avaient toutes échouées et le personnel d'Almara commençait sévèrement à perdre patience. Ses pas l'amenèrent finalement au pré, et plus particulièrement dans celui où trottait fièrement l'étalon qui lui avait été confié. Un jeune mâle brun, magnifique, pas bien grand mais très fougueux. Mais Jérémie ignora tout bonnement l'animal. De toute manière, ce dernier ne le laissait jamais l'approcher. C'était une tête de mule comme pas permis. Oh, il n'était pas agressif ni peureux, mais c'était un esprit libre qui aimait visiblement rendre le monde dingue autour de lui. Une sorte d'adolescent aussi à sa manière finalement. Le genre de cheval qui ne tenait pas en place, qui devenait fou devant des juments en chaleur et pouvait faire mal que parce qu'il était incapable de contrôler son tempérament de mâle entier. Après avoir passé la barrière, Jérémie s'était réfugié derrière un petit taillis qui se trouvait dans l'enclos, histoire d'être à l'abri des regards de ceux qui passeraient sur les sentiers longeant les prairies. Il s'assit dans l'herbe, les jambes replier contre lui et lâcha un profond soupire. Il en avait tout simplement marre. Marre de cet endroit, de ces gens. Cela faisait des mois qu'il était ici, il ne parvenait à faire confiance à personne. Même ce cheval ne voulait pas de lui, c'était dire ! Personne n'avait jamais voulu de lui, que ce soit sa mère ou sa "famille" adoptive...La confiance ne servait à rien d'autre qu'à blesser par la trahison.

- C'est pas le moment de me faire chier Hélios ! ragea t-il en posant sa tête contre ses genoux.

L'étalon s'était en effet pavaner devant lui, hennissant et piaffant comme pour le narguer et le provoquer d'essayer une fois encore de l'atteindre en vain. Mais le garçon s'en détourna aussitôt, scrutant un point invisible devant lui, faisant comme si l'animal n'existait pas. Après tout, ce cheval avait toujours fait comme s'il n'existait pas non plus en refusant tout contact avec lui. "Même cette bête doit savoir que je ne suis pas quelqu'un de bien", songea l'adolescent alors qu'une douce brise s'élevait. C'est alors qu'il eut un frisson. Quelque chose de doux et chaud venait de se poser contre sa joue. Tardant à s'en rendre vraiment compte, le jeune homme manqua de peu de sursauter quand il remarqua qu'il s'agissait du museau de l'étalon qui venait de s'y glisser. Quand il releva vivement le regard vers lui, interloqué par ce tout premier contact avec lui, il croisa les yeux de l'animal qui n'avait fait aucun mouvement de recul. L'étalon se tenait bien là, à quelques centimètres de lui, la tête baissée au niveau de la sienne. Jérémie sentit son coeur tambouriner à fond dans sa poitrine et resta figé un instant, se demandant presque s'il rêvait.

***

La demande de Camille sortit un moment le palefrenier de ses pensées alors qu'ils venaient de passer le mur du domaine pour se diriger vers les écuries.

- J'espère pour toi que ta connerie n'aura pas de conséquence, lâcha t-il sans répondre à la question du blond.

Il ne pipa mot durant le trajet qui restait à faire jusqu'aux portes du bâtiment. Mais une fois dans le corridor et sans s'arrêter, ni regarder l'adolescent, le garçon d'écurie reprit d'une voix toujours aussi froide :

- Je vais la ramener au box. Cherche-moi ses bandes, son gel, des compresses, le flacon de désinfectant et la crème cicatrisante.

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Camille continuait à suivre Jérémie d'un air penaud. Chaque réplique du palefrenier arrivait littéralement telle une flèche en plein cœur. Il savait qu'il faisait toujours tout de travers et que quand il ne faisait pas particulièrement attention il n'arrivait pas à atteindre les espérances qu'on plaçait en lui. Avant s'était les cours, l’athlétisme et maintenant Vagabone et ses crises. Que se passerait-il s'il craquait maintenant, qu'est-ce que son psy penserait de lui ... ? Et si le directeur lui retirer la jument, comment allait-il pouvoir s'occuper d'un nouveau cheval ? Le blond se retenait d'éclater en sanglots. Pourquoi Jérémie ne parlait plus ? Le silence était insoutenable.

Heureusement, sa prière silencieuse fut écoutée et l'adulte lui donna une liste de choses à récupérer. Sans demander son reste, le résident acquiesça.

« D'accord. »

Camille fila à la sellerie récupérée les bandes de la jument puis, en revenant à l'écurie passa à l'endroit ou la crème et les autres produits de soins étaient stocké. Il retourna ensuite au box, le plus vite possible. D'ailleurs, dans sa précipitation une bande lui échappa et roula au sol. Il regarda l'objet tombé, s'accablant lui-même de sa maladresse, puis se dépêcha d'aller donner le reste à Jérémie.

« Je … je reviens. Excuse-moi... »

Sans croiser le regard de Jérémie, Camille fila récupérer ce qu'il avait semé en route. Il avait vraiment peur que ce dernier s’énerve encore plus. Il n'avait pas besoin qu'on lui cri dessus pour sentir la colère du palefrenier. Et même si le blond se sentait coupable de ce qui était arrivé à sa jument, une partie de lui tenter de se rebeller. Car si Vanilla ne s'était pas échappé de son pré, il n'y aurait eu aucun souci. Mais évidemment il n'allait pas blâmer la jument, ce n'était qu'un animal. Il n'allait d'ailleurs pas blâmer sa soigneuse non plus. Car même si elle était coupable de beaucoup de chose, elle n'était pas responsable de la fuite de sa jument. Enfin, il supposait que Tessa n'y était pour rien.

Il récupéra la bande qui était au sol, non sans mal. C'était compliqué de se baisser sans éprouver de douleur. D'ailleurs plus le temps avançait, plus il ressentait ses contusions... S'il restait trop au repos, il n'allait bientôt plus pouvoir bouger.

Il ramena la dernière bande à Jérémie. Et la pausa à côté des autres produits que ce dernier lui avait demandé. Sentant son angoisse remonter, et surtout la petite voix qui lui disait de foncer à la cuisine, Camille commença à faire les cent pas devant le box. Il ne voulait pas craquer maintenant, tout c'était bien passé jusqu'ici … Il ne voulait pas que ses crises recommencent … En plus il avait d'autres choses beaucoup plus importante qui méritaient son attention, comme savoir si sa jument n'était pas blessée gravement.

« Tu as besoin d'autres chose ? Tu veux que je lui apporte sa ration … ? Ou tu as besoin d'autres médicaments ? Je peux aider … à la soigner ? »

Mauvaise Surprise

Camille

Jérémie n'avait pas le pouvoir de changer les choses ici. Il savait qu'en dépit de ce qui était arrivé, la jument restera aux mains de l'adolescent. Alors le blond allait devoir continuer à s'occuper d'elle et Jérémie devra continuer à veiller à ce qu'il le fasse bien. Désormais, il allait devoir le garder à l'oeil plus encore que d'ordinaire et il s'en blasait d'avance. En attendant, il demanda des choses au jeune homme qui devra se débrouiller pour trouver tout le nécessaire dans la boîte à pharmacie de l'écurie. Le palefrenier était bien tenté de soigner l'équidé par lui-même, de la prendre sous son aile une bonne fois pour toute afin de s'assurer qu'elle serait toujours sous bonne garde. Mais ce n'était pas comme ça que les choses se passaient. Ca sera toujours à Camille de veiller sur elle et surtout de réparer les erreurs qu'il venait de commettre.

Pendant l'absence du résident, Jérémie avait ramené l'animal dans le confort de son box. Il avait fermé la porte derrière lui et avait ôté sa longe avant de l'examiner en détail pour être sûr que rien ne lui avait échapper. Aux mots du pensionnaire qui était revenu, Jérémie n'émit aucune réponse. Il récupéra ce que le jeune homme lui avait ramené, lui lâchant un regard froid lorsque ce dernier repartit en arrière avant de se tourner vers la jument. Il ne lui attribua pas d'attention lorsque ce dernier revint avec les affaires manquant, déjà occupé à nettoyer à coup de compresses le sang visible sur le flanc de l'animal. Jérémie était loin d'être vétérinaire mais par chance, cette plaie n'était pas dramatique et ne nécessitait nullement la présence d'un médecin. Avec les bons produits et les bons gestes, il était possible de la guérir par ses propres moyens. Il ne s'arrêta que lorsqu'il n'y avait plus une goutte de sang visible sur les poils de la jument, avant de se tourner vers le blond resté en retrait.

- Tu vas lui mettre sa crème et ses bandes, lança t-il simplement.

Au moins, c'était une chose que l'adolescent avait l'habitude de faire depuis le temps. Jérémie espérait ne pas avoir à le surveiller pour ça. Il avait déjà autre chose à faire. Pendant que Camille se lançait, le garçon d'écurie entreprit de désinfecter la blessure. Ca devait piquer la jument parce que celle-ci émit un hennissement mécontent en frappant le sol de son sabot et agitant la tête.

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Camille acquiesça à l'ordre de Jérémie et récupéra simplement les bandes de la jument et la crème qu'il avait l'habitude de lui mettre. Il ouvrit la porte du box et se glissa à l'intérieur, essayant de se faire le plus petit possible. Alors qu'il arrivait près de la patte blessée, un hennissement ainsi qu'un mouvement brusque de la part de la jument le firent sursauter et il se plaqua contre une des parois du box, se demandant ce qu'il se passait. Il se reprit rapidement et retourna près de la jument pour pour essayer de la rassurer, mais lui-même n'avait pas l'air très rassurant.

« Calme Vagabone … ça va aller ... »

Vu la journée de merde qu'il passait, il se disait qu'il n'était pas à l’abri de se prendre un coup de sabot de la part de la jument. Mais malgré son appréhension, il alla s'accroupir difficilement devant la jambe qu'il était censé soigner. Il fit sortir une bonne dose de crème du tube, directement sur le poil de l'animal et se mit à la masser.

Pour la première fois, depuis qu'il s'occupait de Vagabone, il trouva que son poil était aussi rêche que du papier de verre. Mais loin de se plaindre, le garçon continua à masser la patte de la jument, même si en fin de compte, il n'arriva pas à retenir des larmes de douleur s'échapper de ses yeux.

Il avait définitivement trop mal … Entre ses mains à vif et cette position accroupi qui lui coupait la respiration, il vivait un des moments les plus douloureux de sa vie. Il continua jusqu'à ce que la crème soit absorbée, puis commença à essayer de bander sa jambe.

C'est fou comme, quand on perdait un peu de dextérité, une tâche que l'on considérait comme simple en temps normal pouvait se transformer en un vrai calvaire. Surtout qu'avec la crème qu'il avait passée précédemment, il n'avait l'impression que ses mains étaient un peu engourdie. Il réussit cependant à poser la première bande tant bien que mal. Mais se rendit compte qu'elle n'était pas bien mise … Il n'avait pas assez serré… Il entreprit donc de la défaire et recommença du début en essayant de faire ça bien. Mais malheureusement, sa lenteur agaçait Vagabone qui commençait à s'agiter. Avec un trémolo involontaire dans sa voix, il essaya de calmer la jument.

« Tout doux ma belle, je fais aussi vite que je peux. »

Il continuait à s'activer, d'un air désespéré, en pensant aux trois autres bandes qui lui restait à poser. Et même sans l'application de la crème, ça allait être long. Très long.

Réfléchissant au bien-être de la jument, Camille décida d'avouer à Jérémie qu'il n'allait pas y arriver tout seul. Tant pis si ce dernier devenait encore plus en colère contre lui. Il préférait ça plutôt que d’énerver Vagabone encore plus.

« Je vais pas y arriver Jérémie … Je pourrais pas faire les autres membres … J'ai … Mal ... »

Camille avait honte de s'avouer vaincu, ce n'était pas dans son genre d'abandonner. Donc là, il était vraiment frustré de devoir dire ça. Mais, il n'en pouvait plus ...

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Camille

Le garçon d'écurie ne fit pas plus attention à l'adolescent quand ce dernier fut surpris par l'agitation de la femelle. Jérémie calma doucement cette dernière dans son coin, lui tapotant le dos et lui marmonnant des choses que celle seule pouvait visiblement entendre. Mais il ne se détourna pas de ses soins pour autant et restait concentré sur sa tâche, dos au résident qui se trouvait avec lui dans le box. Camille essayait évidemment de calmer l'animal lui aussi, mais Jérémie faisait comme s'il n'existait pas. En même temps qu'il désinfectait la plaie, le palefrenier observait cette dernière avec attention, s'assurant qu'il n'y avait pas de poussière ou autre qui aurait pu s'incruster dedans. Au final, ce n'était qu'une éraflure pas bien profonde. Une fois que tout fut bien propre et tellement désinfectait qu'aucune infection ni maladie n'était à craindre, le jeune homme entreprit la dernière tâche et déposa une couche de gel cicatrisant sur toute la longueur de la plaie. Une bonne chose de faite. Le palefrenier se redressa au moment même où le résident l'interpella maladroitement.

Jérémie scruta de haut le jeune homme qui se plaignait d'avoir trop mal pour pouvoir poser les bandes. Peut-être qu'il méritait cette douleur après tout. Ca lui apprendra à ne pas avoir été assez bon pour veiller sur la jument. Parce que cette dernière aussi avait mal, par sa faute. Et les chevaux ne méritaient pas de souffrir. C'était une punition exemplaire pour les humains. Finalement, toujours sans mot dire, le garçon d'écurie se baissa à son tour à la hauteur du pensionnaire pour récupérer les bandes qui restaient. Avec habileté, il s'empressa d'en poser une. Il s'écoula quelques secondes de silence durant lesquels le jeune homme enroulait soigneusement la bande et lorsqu'il ouvrit la bouche pour parler, il ne leva pas le regard vers le garçon près de lui.

- Tu ne me feras pas avaler que c'est elle qui t'as mis dans cet état, déclara t-il sans compassion.

Il avait bien vu l'état de Camille, mais n'avait pas l'habitude de s'en faire pour les gens. Surtout quand il supposait que ces derniers l'avaient sans doute mérité. Toutefois, il connaissait Vagabone, et jamais elle n'aurait été capable de ça, même si elle cédait à la plus grande des paniques. La jument était bien dressée et connaissait bien les humains que même sans faire exprès, elle n'aurait pas pu leur faire mal. Pas à ce point en tout cas.

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S'il fallait voir quelque chose de positif dans ce pic de douleur, c'était qu'au moins la petite voix dans sa tête, qui le poussait à aller manger maintenant, était étouffé par autre chose. Quand Jérémie prit le relais, Camille se relava en lâchant contre sa volonté un gémissement plaintif. Et alla s'appuyer contre un des murs du box. Il se sentit instantanément soulagé de ne plus être plié mais il avait toujours aussi mal. Mais il resta là, dans le box, il n'allait pas partir alors que l'homme était en train de faire son propre travail, cela aurait été très impoli de sa part.

Puis Jérémie engagea la conversation, en sous-entendant qu'il pourrait accuser Vagabone d'être responsable de ses plaies et de ses bosses. Camille écarquilla les yeux, offusqué par ce sous-entendu. Jamais il n'accuserait Vagabone ou un autre animal d'ailleurs. Il n'en voulait même pas à Vanilla de l'avoir mordu par exemple. Il avait été maladroit avec elle, il l'avait mal comprise et est arrivé ce qui devait arriver. C'était sa faute ... Pas celle du cheval.

Mais, par contre, il en voulait à Tessa de s'être acharné sur lui ...

« Évidemment que non, elle n'y est pour rien ! J'ai juste … Enfin … quand je tenais la corde et qu'elle est partie au galop, j'ai pas voulu lâcher. Et la corde m'a brûlée les mains. C'est pour ça que j'arrive pas à poser les bandes… Enfin c'est rien. Demain ça ira mieux et je m'occuperais de Vagabone normalement. »

Il n'avait pas envie de parler du reste : son nez, ses côtes, la morsure, il préférait essayer d'oublier ça au plus vite. De plus, il ne savait pas quoi dire. Il ne voulait pas balancer Tessa. Même si l'envie ne lui en manquait pas, il n'avait pas envie de passer pour le petit lâche qui va rapporter aux adultes. Et puis il savait très bien que tout avouer aux adultes n'apportait jamais rien de bon …

Mais il n'avait pas non plus envie de se retrouver ce soir dans sa chambre avec cette folle. Elle pourrait recommencer et là, il savait que psychologiquement il n'arriverait pas à tenir. Et il n'avait pas envie de craquer devant elle … Ni devant personne d'autres d'ailleurs … Il voulait rester seul, loin des cuisines tant qu'il arrivait à se contenir ...

« Je peux dormir ici pour veiller sur Vagabone cette nuit ? »

La question pouvait peut-être paraître innocente, mais elle n'était pas désintéressée. Même si elle était franchement incongrue vue qu'il n'était absolument pas l'heure de dormir et que Vagabone n'avait pas l'air de devoir être surveillé comme du lait sur le feu. Mais, c'était purement égoïste de sa part. Ici il serait tranquille, personne ne l'embêterait et il serait avec le seul être qui compte pour lui : Vagabone.

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Camille

Jérémie aurait voulu se taire pour de bon. Ne pas piper un seul mot jusqu'à ce qu'il s'éloigne du garçon et ne retourne à ses occupations. Néanmoins, il restait tout de même intrigué par l'état dans lequel ce dernier avait été mis, même s'il ne le montrait pas. Aussi, sans lui accorder un regard, il lui posa la question fatidique. Camille s'empressa de prendre la défense de la jument, même si Jérémie savait déjà que Vagabone n'était pas responsable. Les chevaux n'étaient responsables de rien. Tout était toujours de la faute des humains. C'était une règle d'or pour le jeune palefrenier. Le blond donna alors un peu plus de détail sur ce qui était arrivé, le fait qu'il avait tenter de retenir la jument par la longe lorsqu'elle s'était emballée. Jérémie poursuivait sa pose des bandes sans l'interrompre. Camille venait d'expliquer un détail mais il manquait encore le plus gros à raconter.

- Et ? lâcha le jeune homme en ayant bien deviner qu'il n'avait pas tout dit.

Il n'avait parlé que de ses mains, mais pas du reste. Dommage pour lui, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus facile à cacher. Le garçon d'écurie termina de poser la dernière bande. Vagabone avait eut son lot de soins et ça devrait être suffisant pour qu'elle n'ait aucune séquelle de sa journée un peu aventureuse.

- Sûrement pas, trancha Jérémie à la question de Camille, les résidents, c'est dans les dortoirs un point c'est tout.

Il n'allait pas continuer à déconner avec le règlement à présent ? Ca ne lui avait pas suffit tout ce qui était arrivé aujourd'hui ? D'ailleurs, comme pour confirmer cette décision sans retour, Jérémie ouvrit la porte du box et, d'un signe de tête, demanda à Camille d'en sortir.

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Camille n'était clairement pas à l'aise. Il savait mentir, enfin non, pas vraiment. Il savait éviter les sujets qui le forceraient à mentir. Il n'avait jamais parlé de ses troubles alimentaires, ni de son viol, s'il n'en parlait pas, pas besoin de mentir, donc aucun souci.

Mais apparemment, Jérémie avait décidé de ne pas le laisser s'en sortir comme ça. Son début d'explication semblait l'avoir laissé sur sa faim. Le blond s'en doutait, mais son nez abîmé ne devait pas passer inaperçue et cela sans même qu'il n'ait besoin de voir sa tête dans un miroir. Il allait avoir du mal à garder le secret sur ça. Alors il fallait qu'il trouve une excuse, quelque chose qui tienne la route ...

« Ah … le nez … euh … Je me suis pris une branche. Et je crois que je ne me suis pas loupé, j'ai même saigné. Ahaha ! »

Camille ferma les yeux un instant s'engueulant mentalement d'être aussi nul en mensonge. Non mais, qui rigolerait après avoir dit qu'il s'était pété le nez sur une branche en étant à pied en plus. C'était ridicule. Il en faisait trop et il allait se faire choper. Et il n'avait pas tellement envie de fâcher Jérémie encore plus qu'il ne l'était déjà. Enfin, à part si ce dernier ne prêtait aucune attention à ce qu'il venait de dire, il n'y avait aucune chance que le palefrenier gobe son excuse.

Quant à son refus de le laisser dormir ici, Camille n'était pas vraiment surpris. Ce dernier avait toujours l'air aussi énervé par la situation. Le blond ne savait pas quoi faire pour que ce dernier lui pardonne.

« Je suis désolé d'avoir merdé … Mais j'ai fait ce que je pouvais … Si tu trouves que je ne suis pas apte à gérer Vagabone … Je peux demander au directeur de m’attribuer un autre cheval. »

Il avait un trémolo dans la voix en disant ça, il n'avait pas envie d'un autre cheval. Mais il n'avait pas envie de faire du mal à Vagabone, ou d'avoir le palefrenier sur son dos dès qu'il toucherait à la jument. Il n'avait pas envie que ce dernier reste en colère contre lui … Mais il n'avait pas d'autres solutions.

Mauvaise Surprise

Camille

Jérémie fixa Camille sans ciller. On ne pouvait pas rouler dans la farine quelqu'un qui savait lui-même le faire. La vie de filou d'autrefois de Jérémie lui permettait aisément de déceler quand on lui cachait quelque chose. Et Camille le faisait sans aucun talent. Pourtant, le palefrenier ne chercha pas à le contredire. S'il voulait jouer à ça, il va vite se rendre compte que Jérémie était plus fort que lui.

- Admettons. Et le reste ?

Parce que se prendre une branche pouvait faire exploser un nez, soit. Mais comment aurait-elle pu lui infliger des blessures qui le faisait gémir dès qu'il courbait l'échine ? Qui le faisait chouiner dès qu'il faisait un mouvement ? Pouvait-elle expliquer ces bleus ? Cette raideur ? Jérémie avait déjà cogné dans sa vie. Il savait à quoi ressemblait ses victimes après coup.

- Laisse tomber, il ne le fera pas, répliqua froidement le garçon d'écurie à la proposition du blond.

Cette fois-ci, sa colère n'allait pas sur le résident, mais sur le directeur en personne. Lui-même qui n'avait rien voulu savoir lorsqu'il avait eut vent du palefrenier que Tessa avait tenté de fouetter Vanilla avec une ceinture. A côté de ça, l'erreur de Camille semblait clairement insignifiante et largement pardonnable. Il n'avait pas fait exprès. Il n'était pas du genre à vouloir faire exprès de causer du soucis. Jérémie le savait pourtant. Pourquoi n'arrivait-il pas à faire la part des choses ?

- Tu sais, si tu ne me dis pas ce qui s'est vraiment passé, tu devras t'expliquer avec le directeur. Et il n'est pas conseiller que tu lui mentes. Il est psy, pour rappel. Tu tiens vraiment à ce qu'on en arrive là ? Si j'étais toi, je cracherais le morceau tout de suite.

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Camille voulait que cette conversation s'arrête, mais comment arriverait-il à s'en aller de manière polie sans que la situation n'empire … Il n'en avait aucune idée, et son niveau de stress le rendait peut-être un peu plus agressif qu'il ne l'aurait voulu dans ses réponses.

« Je croyais que les résidents ne faisait pas partie de ton travail. Alors pourquoi je te parlerais ? Qu'est-ce que tu en as à faire de moi ? »

Camille détourna le regard et se tut pour le moment.
Quand Jérémie lui dit de laisser tomber sa demande au directeur, Camille parut soulager. Si on ne touchait pas à Vagabone, tout irait bien. Mais au fond de lui, il se dit que la réponse de Jérémie sous-entendait qu'il aurait dû le faire. Qu'il n'était donc pas capable de s'occuper de la jument correctement et comment pouvait-il le contre-dire ? Il n'y avait qu'à regarder l'état dans lequel il l'avait ramené aujourd'hui.

Puis, loin de le laisser tranquille, le palefrenier sembla lui lancer un ultimatum, ou même pire. Sa réplique sonnait vraiment comme une menace. Il n'y avait donc pas d'autre solution que de tout lui avouer ? Face au directeur, ou à n'importe quel psy du domaine, il n'arriverait pas à mentir longtemps. Ces gens avait vraiment un don pour faire dire aux autres ce qu'ils n'avaient pas envie de dire …

Mais dans ce genre-là, Jérémie n'était peut-être pas psy, mais il s'en sortait plutôt pas mal pour faire cracher le morceau au autre. Camille, une fois sa stupeur passée, baissa le regard et fixa ses pieds. Il allait devoir en parler … Mais qu'est-ce qu'il adviendrait de lui après ? Allait-il être obligé de se confronter avec Tessa ? Il n'avait clairement pas envie … Elle avait fait assez de dégât pour le moment.

« Je veux avoir d'ennui avec personne … Je veux juste qu'on me laisse tranquille. »

Camille s'éloigna un peu de Jérémie et se remit à faire les cent pas. Il réfléchissait. Ça serait sûrement pire devant le directeur, Jérémie avait raison. Et peut-être que le palefrenier n'en parlerait pas si Camille le lui demandait ? C'était peut-être lui en demander beaucoup ? Mais avec un peu de chance, il pourrait garder ce qu'allait lui dire Camille pour lui ?

« Je me suis battu … Enfin, non pas vraiment. Vu que je ne me rendais pas, je dirais plutôt que je me suis fait frapper. Y'a jamais eu de branche dans mon nez, c'était seulement un coup-de-poing. Y'a que l'histoire de la corde qui est vraie, et Vagabone est bien partie au galop pour suivre un autre cheval. S'il te plaît, n'en parle à personne … Je veux vraiment pas d'ennui. »

Camille sentait à nouveau la sensation de nausée, qu'il avait eue il y a quelques minutes, revenir. Il avait peur …

Mauvaise Surprise

Camille

La réponse cinglante de Camille cloua le palefrenier sur place. En fait...L'adolescent n'avait pas tort. Il n'en avait rien à faire des résidents non ? Alors pourquoi il voulait tellement savoir pourquoi celui-ci était blessé ? Jérémie devait admettre qu'il n'avait absolument pas de réponse à cette question, bien qu'il continuait à scruter froidement le jeune homme. La réplique de ce dernier lui avait un drôle d'effet qu'il n'arrivait pas à déterminer. Ce n'était pas agréable du tout en tout cas. C'était comme recevoir un coup sur une plaie déjà ouverte. Le palefrenier ne sut tout bonnement pas quoi répondre à ça. Il garda alors le silence, laissant la conversation retourner du côté de la jument que Camille pensait qu'on allait lui ôter la garde. Mais il y avait peu de chance que ça arrive.

Le garçon d'écurie cependant, ne tarda pas à revenir sur ce que Camille ne voulait pas lui dire. Et c'était sans doute sa dernière chance pour parler. Jérémie se demanda un temps pourquoi il insistait tant. Les résidents ne faisaient pas partie de son travail. Ce n'était pas ses affaires. Camille pouvait bien souffrir le martyr, il s'en foutrait, non ? Pendant un moment, le silence se fit entre les deux protagonistes. Temps durant lequel le blond avait détourné le regard tel un résigné. Puis finalement, le résident demanda juste à avoir la paix et s'éloigna du palefrenier qui n'émit aucune résistance. Il avait suivit un temps le garçon des yeux, soupirant silencieusement. "C'est pas le moment de me faire chier Hélios !" Tant pis, le garçon d'écurie laissa tomber et récupéra les flacons de produits qu'il avait utilisé sur Vagabone ainsi que les compresses restantes. Il s'apprêta à s'en aller ranger tout ça quand la voix de Camille se fit entendre à nouveau.

Ce dernier avoua avoir été agressé, pas par un cheval évidemment. Jérémie se tenait au milieu de l'allée, le regard tourné vers l'adolescent un peu plus loin. Les mensonges se révélèrent même si Jérémie les avait déjà repéré depuis longtemps. Des bagarres entre résidents, ce n'était pas si surprenant que ça, surtout selon Jérémie qui avait eut son lot à une époque. Sauf que lui n'avait pas été du genre à se laisser faire, moins encore à se plaindre.

- Pourtant tu les a déjà, les ennuis, répliqua le jeune homme.

Il marqua une pause avant de demander :

- Qui c'est ?

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Camille était toujours très agité, il n'arrivait pas à se calmer. Même après avoir avoué ce qu'il lui était arrivé, il ne se sentait pas plus soulagé. Comme la dernière fois d'ailleurs, pourquoi poussait-on les gens à être honnête, pour qu'en fin de compte ça n'apporte rien de bon ... Bien au contraire. Il avait un mauvais pressentiment, il avait l’impression que tout allait lui retomber dessus. Il ne savait pas encore comment, et c'était peut-être ça qui le traumatisait encore plus.

« Tu crois que je les ai cherché les ennuis ? J'ai rien demandé moi. Surtout pas de me faire frapper par c'te folle ! »

Malheureusement, plus il réfléchissait, plus il se disait que c'était de sa faute, qu'il l'avait provoqué sans le savoir. Il avait peut-être était blessant dans ses paroles ? Il savait qu'il était quelqu'un d’agaçant. C'est pour ça qu'il n'avait pas ou peu d'ami en dehors de ses murs. Mais de là à ce faire tabasser … Qu'avait-il pu bien faire qui méritait se traitement ? Tout se qu'il arrivait à conclure c'était qu'il avait merdé, encore … Mais quand et comment, cela resterait un mystère.

Il finit par s'arrêter de marcher, plus parce qu'il commençait à fatiguer plus que par réelle envie. Il se rapprocha du palefrenier, histoire de ne pas avoir à parler trop fort pour se faire entendre. Il n'était pas à l'aise de divulguer l'identité de sa tortionnaire, mais il avait une petite voix dans sa tête qui lui disait que Jérémie ne lâcherait pas le morceau sur ça non plus.

« Je veux bien te le dire à toi … Mais … Enfin … Fais comme si tu n'étais pas au courant. J'ai pas envie qu'elle me retombe dessus. Ou de passer pour la balance du domaine … Ou pour la tapette qui est allé pleurer dans les jupes des adultes ... »

Il prit une grande inspiration.

« Elle s'appelle Tessa. Je connais pas son nom de famille. Mais, je partage ma chambre avec elle et Candy aussi. Putain j'ai pas envie d'y retourner ... »

Le blond était peut-être plus calme, mais il avait les mains qui tremblaient. Il s'en rendit compte et les planqua dans son dos, essayant de retrouver son sourire habituel pour dédramatiser la situation.

Mauvaise Surprise

Camille

Jérémie plissa le regard. Il n'avait jamais dis que Camille avait cherché les ennuis. En revanche, il les avait quand même trouvé. Et c'était bien ça le problème, être en galère sans raison. Qui plus est, dans ses paroles, Camille en avait plus qu'il ne l'aurait voulu probablement et ça n'avait pas échappé au palefrenier. Trop tard, le jeune homme s'était déjà éloigné en suggérant qu'il n'en tirera rien et qu'en plus, il avait sans doute déjà la réponse à sa question, même si rien ne l'avait confirmé. Alors, dans un ultime espoir quand Camille avait enfin décidé de se dévoiler, le garçon d'écurie avait demandé directement l'identité de la concernée. Se rapprochant, le blond était prêt à le dire et il fallait reconnaître que cette étrange confiance à l'attention du palefrenier était assez déroutante.

Cependant, la révélation de l'adolescent ne surprit même pas Jérémie qui avait déjà deviné la situation. Ce dernier ne répondit que d'un soupire blasé. Tessa. Toujours Tessa ! Est-ce que le directeur allait se remuer enfin maintenant que la victime de cette tarée était un résident et non pas un cheval ? Jérémie en doutait quand même. Monsieur était psy, monsieur connaissait normalement son boulot et monsieur s'était surtout vexé la dernière fois que Jérémie avait insinué le contraire en supposant que Vanilla ne méritait pas une telle personne pour s'occuper d'elle. Si Valérian gérait ses résidents comme il gérait les chevaux, Camille n'était pas au bout de ses peines. Jérémie resta un moment songeur, sans porter de regard au blond qui avait finit ses aveux. Au bout d'un moment, ses prunelles revinrent sur le pensionnaire.

- Bon allez, viens avec moi, lança t-il finalement.

Il fit un tour d'abord pour ranger les produits qu'il avait en main, après quoi, il quitta l'écurie.

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Au soupir de Jérémie, ainsi qu'à son absence de question concernant Tessa, Camille se dit que ce dernier devait la connaître. En y réfléchissant bien, quelqu'un d'aussi aimable qu'elle ne passait pas inaperçu. Mais le garçon n'osa pas poser la question à l'homme en face de lui. Il n'avait pas vraiment envie de parler d'elle, ni envie d’énerver encore plus le palefrenier. Si ce dernier avait eut une rencontre avec la jeune femme aussi intéressante que celle que Camille venait d'avoir, il devait lui aussi ne pas du tout avoir envie de parler d'elle.

Par réflexe, Camille suivit Jérémie alors que ce dernier rangeait ce qu'il avait dans les mains. Il restait silencieux, observant chaque geste du palefrenier. Cela avait un petit côté rassurant de ne pas se sentir seul. Même s'ils ne discutaient pas pour le moment, c'était juste bien d'avoir quelqu'un qui était là, à ces côtés. Le blond sortie de ses pensées au moment où le palefrenier fit mine de quitter l'écurie.

« Euh … mais on va où ? On est bien ici … Non ? »

Camille s'arrêta juste devant le bâtiment, regardant d'un air inquiet le palefrenier. Pourquoi voulait-il lui faire quitter l'écurie ? Le blond n'avait pas envie de bouger de là pour le moment. Il se sentait bien au milieu des chevaux. Les divers bruits du lieu semblaient lui faire oublier la petite voix qu'il avait dans sa tête et qui voulait le pousser à aller manger. Il voulait seulement rester là encore un moment, juste le temps de se calmer, de regarder Jérémie travailler. Mais apparemment ce n'était pas ce que ce dernier avait en tête.

Il ne savait pas pourquoi soudainement, il angoissait, mais il n'arrivait pas à se convaincre d'avancer.

Mauvaise Surprise

Camille

Camille avait deviné juste. Jérémie avait tout sauf envie de parler de cette fille qui l'énervait au plus haut point. Et pourtant, il ne l'avait rencontré qu'une fois. Mais c'était la fois de trop comme on dit. Elle ne lui avait pas fait la meilleure des impressions. De toute façon, elle ne pourrait plus rien faire pour se racheter désormais. Cette image d'elle prête à battre sa jument était ancrée dans l'esprit du palefrenier pour toujours. Ce n'était clairement pas un acte pardonnable à ses yeux. Si Camille n'avait pas fait exprès de blesser Vagabone, Tessa avait volontairement chercher à faire du mal à Vanilla. Il n'y avait aucune excuse à ça.

Docilement, l'adolescent obéit lorsque le jeune homme lui demanda de le suivre. Tout d'abord, Jérémie fit un détour jusqu'à la pharmacie équine pour ranger les différents produits que le blond lui avait ramené afin de soigner la jument qui méritait bien de se reposer à présent. Après quoi, le palefrenier engendra le pas vers la sortie du bâtiment. Il ne s'arrêta pas lorsque l'adolescent s'exprima en se rendant compte qu'il fallait quitter les lieux. Il espérait quoi ? Qu'ils passeraient ensemble le reste de la semaine dans un box ? Jérémie n'avait pas répondu. En revanche, il avait finit par s'arrêter en se rendant compte que l'adolescent ne voulait pas le suivre plus loin. Le regard azuré du garçon d'écurie se braqua sur lui.

- On va à l'infirmerie, répondit-il enfin, t'as envie de rester dans cet état ? De toute façon, ce n'est pas une proposition que je te fais.

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Dans un premier temps, Camille fut presque rassuré que ce dernier ne lui propose que d'aller à l'infirmerie. Mais ensuite, la réalité le rattrapa. Il n'avait pas non plus envie de se retrouver là-bas. Il détestait les médecins ou infirmiers. C'était d'ailleurs assez récent, mais il était hors de question que quelqu'un le soigne. Ou plutôt, que quelqu'un le touche. Il pouvait très bien faire ça tout seul, c'est juste qu'ici, il n'avait pas accès à des produits de soins.

Enfin … à bien y réfléchir, si. Il y avait tout ce qu'il fallait dans l'écurie.

« Mais, je pourrais me soigner ici. Y'a ce qu'il faut non ? J'ai juste à me désinfecter deux trois trucs et c'est bon. Pas besoin d'embêter l'infirmier pour ça … »

Le blond s'approcha de Jérémie, essayant de garder un sourire convainquant sur le visage, mais son regard transpirait l'inquiétude. C'était sûrement à cause de son nez cassé ou bien de l'ecchymose qui commençait à s'étendre sous ses yeux, mais il était très difficile de se laisser convaincre par le jeune homme, malgré la ''bonne volonté'' qu'il y mettait. Camille ne lâcherait de toute façon pas le morceau, même s'il devait passer pour un gamin capricieux.

La dernière fois qu'il avait côtoyé du personnel soignant, c'était peu de temps avant d'arriver ici. Et cela n'avait pas été très agréable. Ils avaient tous été gentils et compréhensifs … Mais, il ne s'était jamais senti aussi humilié que lors des divers examens qu'il avait subis. Il avait tout fait pour y échapper, après tout, quelle utilité de faire ça des semaines après ? Pourquoi lui faire subir ça alors qu'il n'y aurait aucune preuve … À part sa parole évidemment, ce n'était donc pas assez ? Puis, le mauvais moment était passé … et Camille s'était promis de ne plus jamais revivre ça.

Et là, encore une fois, il se retrouvait à devoir se rendre chez un ''médecin'', alors qu'il n'en avait pas envie. Il en était sûr, il allait devoir expliquer ce qu'il s'était passé, et comment paraître crédible quand on annoncé s’être fait passer à tabac par une fille qui faisait la moitié de sa taille … ?

« Je ne veux pas y aller Jérémie. Il va se moquer de moi … Je suis ridicule de m'être laissé faire … Encore … Il me croira pas … J'en suis sûr … Je sais même pas pourquoi toi tu m'as cru du premier coup ... »

Mauvaise Surprise

Camille

Jérémie lâcha un soupire. Evidemment, il fallait que Camille se montre réticent à l'idée d'aller se faire soigner à l'infirmerie. En fait, le palefrenier ne s'en étonnait pas. Il avait eut dix-sept ans lui aussi après tout ! Et même, il se serait volontiers passé de jouer les chaperons avec qui que ce soit. C'était une corvée de plus.

- Bien sûr, des produits pour chevaux donc, lança t-il, il n'y a sans doute pas besoin d'embêter l'infirmier comme tu dis mais comme je ne suis pas médecin et que je préfère être sûr et bah on va y aller quand même.

Il força sur les derniers mots pour bien faire comprendre au jeune homme son manque de patience du moment. Il n'était plus le garçon d'écurie qui avait prit le temps de lui montrer les soins à faire sur sa jument, ou pour répondre à toutes les questions de l'adolescent. Avec son incident du jour, Camille venait de creuser un trou dans lequel la tolérance de Jérémie s'était cassé magistralement la figure. Il lui en restait quelques miettes néanmoins pour prendre la peine de conduire l'adolescent lui-même sur place plutôt que de fourguer la charge à un autre. A moins bien sûr que Camille ne préfère qu'il le fasse !

- Eh bien je t'ai cru parce que...!

Il laissa sa phrase en suspens, se rendant compte qu'il avait haussé la voix sous le coup de l'impatience et de la frustration. Il se tut subitement, et laissa quelques secondes s'écouler avant de reprendre :

- J'ai bien pigé que tu voulais pas y aller mais t'as pas le choix, c'est clair ? Si ce n'est pas moi qui le fait, ce sera un autre dès qu'il verra ta tête. Regarde toi, t'arrive même pas à mettre des bandes à un cheval ! Si tu crois que tu vas passer inaperçu...Oh puis merde, je te dis que tu dois y aller ! Tu vas pas rester comme ça, si ?

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Quand Jérémie fit remarquer l'absurdité de se servir de produit pour chevaux, Camille haussa simplement les épaules. Si ça marchait sur eux, ça marcherait forcément sur un humain. Et de toute façon a part un peu de désinfectant et des bandes pour ses côtes, il ne voyait pas trop ce qu'on pourrait faire de plus pour lui. Alors ce n'est pas comme ça qu'il allait se faire du mal avec des produits équin.

Mais pour une fois dans sa vie, le jeune homme ne la ramena pas. Il ne connaissait pas assez le palefrenier pour le pousser encore plus dans ses retranchements. Et là, il n'était pas en état de se lancer dans un long échange sur le pourquoi du comment il ne mettrait pas les pieds à l'infirmerie. Comme quoi, les coups de Tessa avait peut-être provoqué quelque chose de positif pour Camille. Il était sur le coup beaucoup moins têtu. Enfin, c'était passager. Dès qu'il irait mieux, il retomberait dans ses mauvais travers. Pour son plus grand plaisir.

Mais il n'y avait pas que la douleur et la fatigue qui le faisait lâcher le morceau. Le fait que Jérémie hausse le ton et semble s’énerver en faisait aussi partie. D'ailleurs, alors qu'il allait répondre à sa question, ce dernier se tut, pour se reprendre. Et malheureusement pour Camille, il reprit sur un tout autre sujet. Le blond soupira de manière peut-être un peu trop exagérée avant de répondre au brun.

« Ça finira bien par guérir … Même si on touche pas. Mais de toute façon, j'ai pas la force pour lutter avec toi. Tu as de la chance, je suis normalement une putain de tête de mule. Donc, si tu veux que j'y aille, j'irais. Mais, à une seule condition, je veux que tu restes avec moi ! »

Camille prononça la fin de sa phrase sans sourciller et fixait Jérémie de son regard sur de lui. Même si au fond de ce dernier, on pouvait toujours déceler l'inquiétude et la peur. Était-ce une bonne idée de marchander avec Jérémie ? Sûrement que non. Il avait d'ailleurs autre chose à faire que de s'occuper de lui. Mais, Camille n'avait pu s'en empêcher. Cet homme était la seule personne qui avait pris la peine de s'occuper de lui sans y être obligé ou sans attendre quelque chose en retour de lui. C'était bizarre, mais le blond avait envie d'en profiter encore un peu. Même si au fond, l'adolescent savait très bien que le palefrenier n'en avait au final pas grand-chose à faire de lui.

« Et t'as pas finis ta phrase, tout à l'heure. Sur le pourquoi tu m'as cru ... Je suis désolé d'insister, mais même mes parents ne m'ont pas cru quand je leur ai dit que j'avais été violé … alors ça m'intrigue vraiment que toi, qui ne me connaît ni d'Eve, ni d'Adam, tu donnes de l'importance à mes paroles. »

Puis Camille se rendit compte de se qu'il venait de dire et perdit le peu de couleur qu'il avait encore sur le visage. Avant d'essayer de relativiser un peu, il n'en avait clairement plus rien à faire aujourd'hui.

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Camille

Maintenant, Jérémie savait pourquoi il ne s'occupait quasiment pas des résidents. Trop asocial et impatient qu'il était, il n'avait tout bonnement pas le tempérament approprié pour les chouchouter comme devrait le faire le personnel des lieux formé pour se charger de jeunes à problèmes. Jérémie avait jadis été un jeune à problème. Ca l'empêchait de se montrer indulgent et patient, certes, mais ça lui permettait à l'inverse de les comprendre d'un battement de cils. Il avait cru Camille parce qu'il savait ce que c'était -peut-être pas de se faire battre par une fille, mais au moins de se battre tout court et de refuser d'aller à l'infirmerie- De plus, il connaissait Tessa aussi, malheureusement et ne doutait pas une seule seconde qu'elle était capable de bastonner quelqu'un. C'était limite si elle avait faillit le frapper lui, le jour où il avait intercepter la ceinture destinée à Vanilla. Et ça aurait été une très mauvaise idée d'en venir aux poings avec quelqu'un comme Jérémie qui dépassait tout le monde, même le directeur, en taille.

- Et même si tu l'avais, la force, on t'y aurait traîné malgré tout, rétorqua le jeune homme blasé, on verra.

Il n'avait pas l'intention de se faire plier par des conditions. Manquerait plus qu'un adolescent lui fasse du chantage ! Si Camille persistait, alors Jérémie n'aurait pas d'autre choix que de refiler le boulot à un autre. D'ailleurs, le palefrenier soutenait le regard du blond, comme pour le mettre au défi de continuer à n'en faire qu'à sa tête. Une expression de froideur qui disparu bien vite lorsque Camille révéla le poteau rose. Un silence aussi pesant que dérangeant s'installa alors entre les deux protagonistes. Jérémie n'exprimait cependant plus grand chose dans son regard. La révélation l'avait surpris, certes, et pendant un moment, il avait l'air d'y réfléchir, ou de se perdre dans ses pensées. Finalement, et toujours sans répondre au blond, il se contenta de déglutir avant de lancer d'un ton soudainement calme, avec possiblement un soupçon d'empathie :

- Allez, on y va.

Il encouragea d'un geste le garçon à poursuivre son chemin jusqu'au manoir dans le but de rejoindre l'infirmerie. Il ne gardait pas sa réponse dans le but d'irriter le résident, malgré le fait que ce dernier avait insisté pour la connaître. Mais Jérémie n'avait pas envie d'évoquer quoi que ce soit qui puisse le mettre sur la voie sur le fait qu'il avait été jadis résident ici.

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Camille ne lâcha rien, autant de temps qu'il le pu. Mais bon, il fallait bien qu'à un moment ou un autre il détourne le regard. Surtout que celui de Jérémie était peut-être un peu trop perçant pour lui. Et le blond posa pour une deuxième fois sa question. Il était vraiment curieux de savoir pourquoi ce dernier n'avait pas remis une seconde en question ce qu'il venait de dire. Après tout, il ne savait pas pourquoi Camille était ici et ce dernier pouvait être un menteur compulsif. Enfin, le doute était sans doute levé maintenant qu'il avait laissé échapper un des vrais motifs de son admission ici …

Ah … Et bien … Le garçon allait gagner des points en cassage d'ambiance après ce qu'il venait de faire. Le silence qui s'installa entre eux deux était presque palpable, tellement lourd que Camille avait l'impression qu'il allait étouffer. Et en plus de s'être mis lui-même mal à l'aise, il avait de même avec le palefrenier. Ultra Combo ! Bravo Camille …
Camille était mort de honte, en plus d'être rongé par son mal-être auto-infligé. Heureusement, Jérémie l'invita à nouveau à le suivre et l'adolescent ne fit pas de vague et lui emboîta le pas.

« Hmmm... »

Mais plus leurs pas les rapprochaient du manoir, plus Camille était mal à l'aise. Qu'est-ce que le palefrenier allait penser de lui maintenant ? Allait-il le prendre pour un garçon faible, incapable de se défendre ? Ou alors allait-il le dégoûter ? Peut-être qu'il ne voudrait plus lui adresser la parole après ça … Camille se détestait de ne pas arriver à se calmer et à réfléchir rationnellement. Alors que le silence devait vraiment insoutenable pour lui, il rattrapa les quelques pas qu'il avait laissés de distance entre lui et Jérémie et tenta de s'excuser :

« Je … je suis désolé … ça m'a échappé. Je n'aurais pas dû te parler de ça. Oublis ce que je t'ai dit, d'accord ? C'était débile de lancer ça comme ça. Et puis, ça n'a rien à voir avec cette histoire avec Tessa. C'était déplacé de ma part … De parler de ça … »

Camille avait laissé sa voix mourir sur la fin de sa phrase. Il n'était lui-même pas convaincu par ce qu'il venait de dire. S'il pouvait la fermer parfois, ça arrangerait beaucoup de monde. S'il avait su se taire devant ses parents et garder pour lui ce qu'il vivait, il ne serait pas là. Il aurait toujours sa vie à lui, celle de l'enfant gâtait à qui tout souriait. Et puis, même si ce n'était pas vrai … Il n'y a que les apparences qui comptaient pour les autres, pas vrai ?

Camille afficha son sourire habituel sur son visage et essaya de reprendre un peu de contenance.

« Il … Il paraît qu'on va avoir de la tarte aux pommes ce soir en dessert … C'est cool, non ? »

…

Bon, le changement discret de discussion était complètement raté. Mais malgré tout, le jeune homme essayait de garder la face.

Mauvaise Surprise

Camille

Après les révélations du blond, Jérémie n'avait pas cherché à l'interroger d'avantage. Pourquoi ? Que pourrait-il bien lui demander après ça ? Rien. Ce qui était arrivé à ce garçon ne méritait pas de commentaires. Enfin si. Peut-être un "désolé", ou quelque chose d'autre pour compatir à son sort. Mais prendre les gens en pitié n'était pas dans la nature du palefrenier. Ce serait mentir que de dire qu'il se fichait de ce qui était arrivé à Camille. Il se rendait bien compte de l'horreur de la chose. Mais l'empathie n'était pas trop dans son caractère. Il n'aurait aucun moyen de savoir comment on consolait quelqu'un, comment on faisait pour le faire se sentir mieux. Alors, il préférait de loin s'abstenir. C'était encore ce qu'il y avait de plus simple à faire. De plus, sa compréhension des résidents en général lui faisait se dire que le blond n'avait sans doute pas envie d'en parler. Autant que lui n'aurait pas envie de parler de son propre passé. Il respectait ça.

Le manoir était en vue. Il grossissait au fur et à mesure que les deux jeunes gens s'en approchaient. Bien que Camille était toujours sur les nerfs, la tension chez le garçon d'écurie avait néanmoins baissé de plusieurs crans. Il ne semblait plus en colère après ce qui était arrivé à Vagabone -ce qui ne veut pas dire qu'il allait l'oublier de sitôt !- Il marchait d'une cadence raisonnable pour ne pas trop distancer le pensionnaire. Camille prit alors la parole. Oublier ? Il en avait belle lui. Il pensait vraiment que ce genre d'informations était oubliables ?

- Je ne vois pas pourquoi tu t'excuses, répondit alors le palefrenier.

Même si le blond avait raison : ça n'avait rien à voir avec Tessa. Mais bon, s'il en avait parlé, c'était sans doute que ça devait sortir non ? Si ce n'était pas sortit pour Jérémie, ça serait sortit pour un autre. Le résident ne l'avait pas fait exprès de toute évidence, alors mieux valait sans doute que ce soit le palefrenier qui l'ait entendu plutôt que quelqu'un comme Tessa justement.

- Hm...fit simplement le palefrenier devant la tentative de changement de sujet imposé par l'adolescent.

Discuter de la pluie et du beau temps n'était pas trop dans le genre du jeune homme non plus. D'habitude, il ne discutait avec personne à part les chevaux.

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