Parles-nous de tes origines. Qui étaient tes parents ?Mon père était un aventurier, un homme de goût et un amoureux des femmes. Mais au-delà de cela, il était avant tout amoureux de ma mère. Le coup de foudre s’est abattu sur eux ; lui, commissaire d’exposition, elle, jeune sculptrice avec du talent, se sont aimés puis envolés pour la France. Sina avait eu besoin de partir dans d’autres contrées, de découvrir autre chose que l’Israël de son enfance. Elle avait vu en mon père l’échappatoire rêvé, l’amour interdit. Au-delà des belles sérénades se cachait un homme aux multiples fêlures. Mais elle n’eut pas le temps de découvrir ses sombres facettes qu’elle tomba rapidement enceinte de moi… Et mourut en couche.
Je ne garde d’elle que la forme de ses yeux et la courbe de son sourire. Des
« tu ressembles à ta mère » de la part de mon père qui, contrairement aux idées reçues, étaient loin d’être des compliments puisque cela était synonyme de souffrance pour mon géniteur.
Comment s’est passée ton enfance ?Mon enfance a été bercée par des reproches, du venin craché au visage, des insultes que je ne pouvais comprendre. Pour moi, il était normal qu’un père soit aussi dur avec sa petite fille. Ma vie était loin d’être un conte de fées à ce sujet, je n’avais aucun lien avec mon père. Puis sa haine est devenue une forme d’obsession perverse. Alors que je grandissais, prête à sauter dans le train de la vie, il fut pris d’un fantasme absurde de me faire souffrir et de me marquer
à vie. Père abusif, pas seulement par les violences psychologiques, il eut l’infâme idée d’abuser de moi. Peut-être parce que je ressemblais trop à ma mère et qu’il avait besoin de décharger l’amour rompu bien trop tôt. Je ne lui cherche pas des excuses, loin de moi l’idée de minimiser sa cruauté à mon égard, mais j’ai toujours voulu comprendre (ce qui m’a sûrement amenée à ma perte, à une époque). Le seul problème résidait dans le fait que je ne fus pas la seule victime durant cette période… Autant je réussissais à supporter les actes, autant mes amies ne devaient pas être des dommages collatéraux de la folie destructrice de mon géniteur.
Alors que je ne pouvais décemment pas ouvrir la bouche, littéralement (j’étais comme figée, paralysée, annihilée…), une de mes amies eut le courage d’élever la voix et de dénoncer le monstre.
Je sais pertinemment que cette période, qui me parait floue, a été enterrée dans ma mémoire pour me protéger mais je sens que le procès et les accusations ont été durs à encaisser. Pour certains, ce fut un procès-éclair, pour moi, ça m’avait paru duré une éternité.
Aucune famille à l’horizon (mon père avait rayé sa famille de sa vie, et les parents de ma mère, fille unique, n’avait pas les capacités pour m’élever). Je me retrouvais donc orpheline à l’aube de mon adolescence.
Et ton adolescence ? Quels étaient tes projets, tes rêves ?Marquée par des années de maltraitance et d’horreurs, je devenais une jeune fille méfiante et horriblement anxieuse.
Mais mon arrivée au Domaine d’Almara fut une bénédiction. Je trouvais en William Hayes la figure paternelle qui m’avait tant manqué dans mon enfance.
Les années passent et malgré quelques difficultés liés à ma thérapie, je m’enracine au sein du domaine et m’y sens chez moi. Ma relation avec Valerian, le fils de William, y est sûrement pour quelque chose.
Au Domaine d’Almara, j’y crée ma propre famille. Que cela soit auprès des Hayes, ou bien d’Alessandro voire des autres Résidents qui sont, pour moi, des frères et soeurs que je n’ai pas eu la chance d’avoir.
Apaisée est le mot qui aura finalement conclu mon adolescence, bien que j’ai pu recevoir des coups durs. Le départ officiel de Valerian marque un premier pas vers une brisure. Jamais je n’aurais cru qu’il puisse m’abandonner. Très en colère contre lui, je décide d’aller de l’avant et m’occupe de moi-même et expérimente mes premiers émois ; les premiers baisers, les premières sorties autorisées, les premières grandes rencontres… La vie « normale » que je méritais.
Cela m’amène à la fin de ma thérapie, à l’âge de mes 18 ans où, toujours sous le regard bienveillant de William, j’entame des études afin de devenir professeur au collège et lycée. Je me mets à étudier ardemment afin d’arriver à mon objectif. Passionnée de littérature, c’est naturellement que je m’oriente vers des études littéraires durant lesquelles je profite et m'arrange afin de passer un BPJEPS en monitorat grâce, notamment, à William. Des années où la vie sociale ne fut pas dans mon vocabulaire. Cela continua jusqu'à la deuxième année de master durant laquelle je prépare mon concours au CAPES.
La fermeture d’Almara ouvre une plaie béante dans mon coeur. Si je rate le concours au CAPES, je réussis néanmoins ma dernière année d’études. Je fais des va-et-vient pour rendre visite à William, qui est très malade, n’abandonnant pas mes habitudes. Je reste et resterai reconnaissante envers lui pour tout l’amour et la bienveillance dont il a fait preuve avec moi.
Les as-tu atteints ? Si non, pourquoi ?Mon rêve était de réussir à devenir enseignante en littérature pour les élèves de collège et de lycée. Durant mon année que je ne peux décemment pas qualifiée de ‘sabbatique’, j’ai pu trouver un travail en tant qu’assistante de direction dans un hôtel où j’ai pu acquérir d’autres compétences mais aussi préparer plus sérieusement mon concours. J’y fais la rencontre de Arthur qui deviendra mon fiancé et mon mari quelques temps plus tard. Cette fois, je passe le CAPES et peux me permettre d’enseigner au collège afin de valider le certificat l’année d’après. J’éprouve du plaisir à être au contact d’élèves, passionnés ou non, et y trouve des qualités en chacun d’entre eux.
Arthur me fait enfin sa demande que j'accepte volontiers. Je n’ai pas le temps d’annoncer cette merveilleuse nouvelle à William. Il meurt après avoir souffert de sa maladie…
Les fantômes du passé ressurgissent lors de son enterrement, et je revois Valerian avec qui j’ai perdu contact.
Mon être bouillonne de colère alors que mon coeur explose de joie quand je le revois. Je fais la connaissance de sa femme et de sa petite fille et me permet de lui présenter mon époux.
Puis, une fois de plus, nos chemins se séparent.
Je continue ma vie, bâtis des projets avec Arthur. Nous souhaitons tant de choses. Et je tombe enceinte.
Jamais je n’aurais cru ressentir une telle joie à l’idée de donner la vie.
Mais les mois passent, nos idées fantasmagoriques de la vie de parent animent nos soirées et nos ébats, jusqu’à ce que je perde notre bébé après un accident de voiture. Ce n’est pas de ma faute, ni de celle du conducteur d’en face, juste un mauvais coup du destin.
Cela brisa mon couple. Et moi-même.
Je divorce d’Arthur mais je ne baisse pas les bras.
J’enchaine des relations qui ne me conviennent pas ou ne me permettent pas de me visualiser un futur avec ce partenaire. Je brise des coeurs, et le mien au passage, peut-être parce que la douleur me rappelle que je suis vivante.
Je fais finalement la rencontre de Marc Fortis, un professeur d’italien, dans le lycée que j’enseigne. Alors qu’il s’évertue à me séduire, je pense tomber amoureuse de lui. Je ne sais pas si c’est la trentaine qui m’effraie et la peur de finir seule et de garder à vie le nom de famille de mon géniteur, mais je finis par accepter sa demande en mariage. Nous nous fiançons.
En 2018, je reçois un appel des plus mystérieux et chamboulants :
la voix de Valerian résonne à l’autre bout du fil après des années de silence. Il m’annonce qu’il compte ré-ouvrir le Domaine d’Almara et me demande si j’accepte de devenir sa sous-directrice.
Comment as-tu entendu parlé du domaine d’Almara ?A l’époque, je n’en avais jamais entendu parlé. Les services sociaux ont décidé de m’y envoyer à cause de mes traumatismes et de mon passé.
Et puis le domaine a fermé et chacun a fait sa vie… Avant de revenir.
C’est Valérian qui a été à l’initiative du renouveau d’Almara et qui m’a prévenu de sa réouverture.
Pourquoi as-tu fais le choix de le rejoindre ?J’y ai vécu ma renaissance. C’est mon chez moi, ma maison, là où je me sens à ma place. C’est Valerian qui m’a, de nouveau, contactée lorsqu’il a décidé de ré-ouvrir le domaine… J’ai beau avoir pris le temps de réfléchir, mon coeur me disait que c’était la bonne direction à prendre.
Mon égo étant plus fort que ma raison à cette époque, et surtout concernant Valérian, j'ai pris mon temps avant de lui annoncer ma décision et d'accepter le rôle de sous-directrice, à ses côtés.
Avais-tu déjà rencontré des chevaux avant ton arrivée ?Oui, toujours grâce au Domaine. J’ai beau avoir eu quelques mois de pause en équitation, je n’ai jamais cessé d’aimer les chevaux et d’être auprès d’eux. Encore aujourd’hui, je monte à cheval et je suis plus qu’heureuse d’évoluer en leur compagnie.
PHYSIQUE & PERSONNALITÉ Naomi porte sur elle les duretés de la vie alors qu’elle en est tout le contraire : douce et conciliante. Elle essaie tant bien que de mal d’atténuer cette froideur en portant toujours une touche de couleur à ses vêtements. Adepte des tailleurs, que cela soit pantalon ou jupe, elle en a une collection : noir, de couleurs, à motifs, blanc… Et se trouve toujours élégante. Elle attache que très rarement ses cheveux bruns qu’elle laisse pousser jusqu’en dessous de ses épaules. Si jamais elle les attache, c’est en chignon et lorsqu’elle a des rendez-vous importants.
Sa grande taille fait qu’on ne voit qu’elle - et de loin. Longtemps complexée par son mètre soixante-dix-huit, elle réussit finalement à en faire une force et s’impose face à des caractères bien trempés parmi les résidents. Elle réussit, malgré sa douceur, par se faire respecter puisqu’elle sait être plus sévère quand cela est nécessaire. Elle veut bien être proche d’eux, mais n’apprécie pas les familiarités et restera « Madame Lemann » pour beaucoup d’entre eux.
Elle n’aime pas être au devant de la scène et garde ses qualités d’oratrice pour les occasions importantes. Pour elle, il est important de surprendre et de ne jamais rien dévoiler. Ainsi, peu de gens connaissent son véritable lien avec le Domaine d’Almara.
Plutôt curieuse, elle n’est pas fermée quant aux nouveaux qui se présentent à elle et se permet de faire ses recherches de son côté, vestiges de ses années d’études. Elle est aussi prédisposée à évoluer et innover si cela est nécessaire et dans l’intérêt de l’Académie, que cela soit pour les résidents mais aussi pour les chevaux.
Avec ces derniers, elle perd de son charisme et n’arrive pas à avoir assez de fermeté à leur égard. Elle prône l’expression « une main de fer dans un gant de velours » bien qu’elle ait encore du mal à l’appliquer… Malgré toutes ses années.
PARTICULARITÉ(S) Naomi ne pense pas avoir des particularités qui puissent être racontées. Elle reste une femme très grande et charismatique que l’on écoute sans broncher. Son éloquence a fait naître des vocations chez certains de ses anciens élèves, et elle espère être autant inspirante pour les résidents du Domaine d’Almara.
Malgré son passé peu réjouissant, elle garde en elle une grande force dont elle n’a pas réellement conscience. Elle a bien plus la tête sur les épaules qu’on ne pourrait le croire et fait en sorte que ses blessures psychiques ne viennent pas freiner le cheminement des autres.