Le bruit d'une rencontre [Feat. Elizabeth Rossi]

Les oiseaux qui chantent, les roulettes d'une valise sur le sol, des talons qui claquent sur le parquet. Tant de sons qui vous sembleraient appartenir aux bruits de fond que la jeune femme n'a jamais entendu. Elle n'en imagine même pas l'existence. Seul le silence lui tient compagnie alors qu'elle avance dans un couloir du premier étage avec le peu d'assurance qu'elle connait. Ce même silence qui a déjà rendu fou des espions torturés dans quelques séries TV.

Ce silence l'accompagne tous les jours depuis qu'elle a concience qu'il existe. Depuis que celui-ci l'opresse et l'entraine vers le fond alors qu'elle essaye de remonter. Elle s'imagine un jour un remède miracle qui lui ferait soudainement apparaitre l'ouïe. En attendant, elle arpente ce long couloir, la tête haute mais les épaules baissées. Sans s'en rendre compte, elle arrive devant une porte avec le numéro de sa chambre. Au fond d'elle, elle espère que personne ne soit encore entré dans la pièce afin de pouvoir être tranquille encore un petit peu.

Avec appréhension, elle toque à la porte et attend quelques secondes. Elle réitère son action une deuxième fois avant d'enfin ouvrir la porte. La pièce est grande et contient 4 lit ainsi que le même nombre de meubles de rangement. Après quelques instants de délibération interne, Alice choisit d'occuper le lit le plus près de la porte, contre le mur. Elle soupire et commence à débaler ses affaires, espérant que cette emménagement incongru soit le début d'une nouvelle vie un peu plus joyeuse.

Alors qu'elle sort encore une pile de vêtements de sa valise. Une grosse vibration sur le sol la fait sursauter. Instinctivement, elle dirige son regard vers la valise avant de le remonter vers sa propriétaire. Elle cligne des yeux un instant, sans avoir le temps de pouvoir lire ses paroles sur ses lèvres.

Elle la fixe un instant, essayant malgré les bégayements de la brunes de comprendre ce qu'elle raconte. Elle cligne des yeux avant de commencer à signer "Excuse moi, j'aurai du-" avant de se couper dans ses gestes, réalisant qu'ici, peu devaient parler sa langue.

Levant son doigt rapidement dans un signe lui demandant de l'attendre. Dans un geste rapide, elle fouille sa valise et son sac à la recherche de son fidèle carnet. Après quelques secondes et t-shirts volant digne des jeux olympiques, elle trouve enfin son carnet et son stylo. Après avoir écris d'une rapidité pouvant entrer en compétition avec le scribe le plus rapide du monde.

"Bonjour ! Je suis sourde, excuse moi de ne pas avoir senti ton arrivée !"

Elle lui tend alors doucement le carnet, un sourire à la fois gêné et rassurant se fixant sur ses fines lèvres.

Alors que la brune lit son carnet, Alice attend un peu avant d'apercevoir l'éclair de compréhension dans son regard. Son visage se crispe un peu puis se décrispe alors que l'inconnue lui rend son journal en lui posant sa question. La rousse hoche la tête positivement, récupérant doucement son journal alors qu'on lui pose une nouvelle question. Elle lui lance un léger sourire avant d'écrire son prénom et de retourner son carnet, les lettres étant écrites suffisammant grosses pour qu'elles se lisent de loin.

Ainsi, Alice repose son carnet sur son lit et continue de ranger ses affaires, réussissant enfin à vider sa valise entièrement. Elle la glisse doucement sous le lit puis observe Elizabeth et ses... Nombreux sacs. Elle hésite un instant avant de soupirer et de réécrire dans son carnet. Elle l'observe, visiblement dubitative avant de le tendre dans un geste résolu à la brunette. Dessus, dans des lettres soigneuses mais où la rapidité d'écriture se sent aussi, est posé une question :

"Besoin d'aide avec tes affaires ?

Elle semble visiblement gênée, comme si elle semblait se forcée légèrement. Pourtant, sa sincérité semble réelle au vu du tremblement des points sur les i. Enfin, si cela se remarque réellement.

La question sembla faire mouche puisqu'après un instant d'hésitation du côté de l'Italienne, cette dernière accepte sa proposition, déposant le carnet près de sa propre valise. La jeune handicapée s'approche alors doucement afin d'apporter son aide. Ainsi, les deux jeunes femmes se mirent à ranger la valise de la plus jeune. Le tout se fait en silence, enfin, c'est ce qu'imagine Alice au vu de la situation.

Après quelques piles de vêtements, la rousse voit une main s'aquérir de son crayon et écrire dans son carnet. Elle observe un instant l'adolescente, un léger sourire sur le visage, avant d'observer le carnet et qu'il ne s'affaisse brusquement.

Une question tout à fait simple en soit, rien de bien offensant. Pourtant, cette simple question la ramène dans des souvenirs qu'elle souhaiterait oublier, voire même faire disparaitre. Si seulement être sourde était son seule problème, il fallait en plus que les plus bas gens de la société lui rappellent que son handicap étaient un avantage pour eux. Parce qu'elle avait besoin de sa en plus dans son quotidien. Elle inspire profondément, sentant ses émotions remonter dans sa gorge. Elle attrape son stylo et écris sa réponse, la main tremblant légèrement.

"Entre autres choses. Et toi, si ce n'est pas indiscret ?

Après sa phrase, elle force un léger sourire, alternant sa vision entre ses doigts et le visage de sa nouvelle connaissance.

Lorsque la rousse ressent la pression sur sa main, celle-ci la fixe un instant, comme si elle essayait de comprendre le fondement de ce geste. Un geste si simple qui ne lui avait jamais été accordé. Ou qu'elle n'avait jamais autorisé, elle ne sait plus. Mais en cet instant, elle sait que cet intention sincère est le début, son début, vers un renouveau dans sa vie. Apprendre à accepter la sincérité des autres. Voilà une leçon qu'elle sait vient de commencer. Elle souffle doucement, expirant une partie de la tension présente dans son corps avant de lire la réponse à son retour de question.

Elle avait lu des articles sur cette maladie. Il semblerait qu'elle soit présente dès la naissance mais qu'elle ne soit pas exactement génétique, de ce dont elle se souvient. Néanmoins, Alice sait que cet exact syndrome se montre différent selon chaque personne, mais qu'il se caractérise par une réflexion et un comportement différent de ce que l'on attend d'un individu "normal", quoique cela veuille dire.

Ainsi, lorsqu'elle pose sa question sans aucune forme de détour, la jeune femme étire un petit sourire sur ses lèvres, attrapant le stylo et le carnet afin d'écrire une réponse convenable à cette courte question.

"D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais pu expérimenter ce sens que les gens appelle l'ouïe. Je n'arrive même pas à imaginer ce à quoi ça peut ressembler. Mes grands parents m'ont racontée qu'ils s'en sont rendu compte lorsque je n'ai eu aucune réaction lors d'une dispute qu'ils avaient eu avec mon père lorsque j'étais petite. J'ai appris à communiquer autrement qu'à l'écrit il y à seulement 5 ou 6 ans. Malheureusement, j'oublie souvent que tout le monde n'apprend pas cette langue comme on apprend l'anglais à l'école. Et toi ? Je sais que l'on ne devient pas autiste, mais quand t'es-tu rendu compte que tu n'étais pas comme "le reste de la société" ?

Alors qu'Elizabeth range sa valise sous son lit, la rousse attend qu'elle se redresse avant de lui tendre son carnet, le stylo accroché à la couverture. Pendant qu'elle écrit sa réponse, Alice s'assiet doucement sur le lit de la plus jeune, observant distraitement la vu par la fenêtre, apercevant quelques oiseaux non migratoires voler dans le ciel, ouvrant de temps à autres leurs becs pour laisser échapper ce qu'elle imagine être une conversation entre congénères volatiles.

Lorsqu'Elizabeth s'assied sur le lit, Alice se tourne doucement vers elle, attendant patiemment qu'elle termine d'écrire avant de lire ses écris.

Un accident. Il semblerait qu'elle aussi, elle n'ait pas eu la vie facile. Elle se sent cruelle d'en être soulagée, de s'en sentir moins seule. Pourtant, ce sont ses émotions et elle ne peut renier ce qu'elle ressent. Doucement alors, elle lui lance un sourire avant de répondre à sa question.

"Pourquoi pas. J'ai un livre avec quelques bases, je pourrais t'apprendre les détails si cela te tente vraiment."

Elle ne s'était jamais imaginée apprendre la langue à quelqu'un d'autre. Pas qu'elle doute être bonne pédagogue, mais certains gestes importants peuvent être facilement incompris si mal effectués. Cependant, la rousse sait que cela ne peut qu'être une bonne chose qu'une autre personne sache sa langue.

Sur cette volonté, Alice se lève rapidement, posant le carnet de communication sur son ancien siège, avant d'avancer vers ses affaires fraichements rangées. Elle fouille un instant dans le tiroir de sa table de nuit avant de revenir sur le lit. Elle reprend son crayon et écrit rapidement sur le carnet avant de tendre le carnet à sa cadette tout en affichant son livre : "Les bases du signe."

"Et si on apprenait les premières bases maintenant ? Si ça te va, bien évidemment."